Réponse à David Cayla - “Les cryptomonnaies : une tentative de mise en œuvre de l’utopie libertarienne”
Une réponse à David Cayla concernant son dernier article “Les cryptomonnaies : une tentative de mise en œuvre de l’utopie libertarienne”. Beaucoup de choses, car on part de loin.




Comme promis sur X, je réponds à David Cayla concernant son dernier article “Les cryptomonnaies : une tentative de mise en œuvre de l’utopie libertarienne” (ci-dessus) publié dans l’ouvrage “L’encadrement international des cryptoactifs”. L’article est est assez court, environ deux pages, et traite de plusieurs sujets : comment émerge la monnaie, qu’est ce que la dette et comment celle-ci est une institution sociale et politique. Cet article est, en somme, un parfait exemple de la querelle habituelle qui oppose les économistes autrichiens et les MMTers et autres monétaristes sur l'origine de la monnaie.
La monnaie émerge-t-elle spontanément du marché ou est-elle une institution sociale qui doit son existence au politique ? C’est la question centrale qui se trouve au cœur de cette dispute. Cette vision irréconciliable va d’ailleurs au-delà de la simple question de la monnaie et car elle touche à la question même de ce qui définit l’humain.
Comme je le notais également, l’article en question est manifestement orienté. Notamment sur la question de la dette dans un étalon monétaire basé sur une monnaie marchandise, et sur le refus de l’auteur d'admettre que les institutions centralisées, banques centrales et États, ont bel et bien perverti la monnaie et continuent de le faire encore aujourd’hui.
Pour étayer ses arguments, M. Cayla cite deux auteurs, eux-mêmes partisans. David Graeber et Michel Aglietta. Le premier, Graeber, était un anthropologue et militant anarchiste américain ayant exercé une certaine influence dans la pensée politique de gauche dans les années des années 2010. Le deuxième, Aglietta, est l’une des figures fondatrices de l'école de la régulation. Ce mouvement, né sans surprise en France, rejette entre autres l'idée d'autorégulation des marchés et du capitalisme. Il puise notamment son inspiration dans le structuralisme marxiste et le courant institutionnaliste. Il soutient également que l'économie doit être régulée sur divers points (concurrence, monnaie, salaire, etc.) par une ingérence indispensable de l’État.
Sans grande surprise, ce sont donc deux auteurs militants et partisans sur lesquels M. Caycal se base dans son article contre les crypto-monnaies.
La dette vs la monnaie marchandise
Le premier auteur, David Graeber, est cité dans l’article surtout pour sa vision sur l’origine de la monnaie. Pour lui, la monnaie n’émerge pas du troc et de cette “double coïncidence” des besoins nécessaires sur l’instant, mais du crédit. Prenons l’exemple d’un fermier échangeant une vache contre une hache. La transaction n’a pas besoin de se faire sur le moment même, le fermier peut remettre au forgeron la vache contre une promesse future de hache dans deux semaines. Dans cette vision, les multiples crédits interpersonnels entre individus peuvent précéder l’émergence d’une monnaie marchandise comme intermédiaire d’échange unique pour le marché.
Les problèmes de cette vision de la monnaie sont multiples, pour en citer quelques-uns : Comment le crédit peut-il constituer un rapport d'échange adéquat entre différents biens hétérogènes ? Comment expliquer que, dans des systèmes clos où les individus s’organisent spontanément entre eux, ce sont toujours des monnaies marchandises et non un système de crédits interpersonnels qui émergent ? Nous pouvons citer le fameux exemple de Richard Radford décrit en 1945 avec l’émergence des cigarettes comme intermédiaire d’échange dans les camps de prisonniers. Citons des exemples plus anciens, comme l’utilisation spontanée, en dehors de l’autorité bureaucratique, du Shekel d’argent en Mésopotamie dans les temples sumériens ou encore un exercice de pensée que connaissent bien les économistes autrichiens, celui de “l’économie d’Halloween” ? Enfin, comment réconcilier l’échange via le crédit dans des situations où la confiance avec l’autre est impossible ?
“Le sens principal est sociologique […]. L’intérêt essentiel réside dans l’universalité et la spontanéité de la vie économique ; elle n’est pas apparue comme imitation consciente mais comme une réponse aux besoins immédiats et aux circonstances”. - Richard Radford
Pour reprendre l’exemple des temples sumériens, si l’argent a été sélectionné, au lieu d’une autre unité abstraite de crédit, c’était précisément parce qu’il permettait l’échange avec des étrangers, des personnes avec lesquelles la confiance requise dans une relation de crédit n’était pas possible, le tout en copiant les marchands, plus “perspicaces et capables” comme dirait Carl Menger, qui eux-même utilisaient l’argent comme moyen d’échange. Graeber l’admettait d’ailleurs lui-même en 2011 dans une de ses réponses à Robert Murphy.
Bref, l’économie de la dette interpersonnelle ne vaut que d’un cercle social restreint dans lequel la confiance est possible. Cela vaut pour le cercle familial, tribal et communautaire… Sans qu’une autorité politique n’ait à intervenir d’ailleurs. Au-delà de ces échanges limités, limité au nombre de Dunbar, les individus ont eux-mêmes sélectionné un intermédiaire d’échange neutre et plus échangeable possible leur permettant de s’extraire de l’impossible confiance envers l’autre, l’étranger, celui avec qui nous ne partageons rien mais avec qui nous avons tout intérêt à coopérer et à se coordonner.
Les mécanismes d’adoption tendent toujours à favoriser un système au détriment des autres, cela se vérifie au niveau des technologies émergentes, pensons au protocole TCP/IP, mais également au niveau de la monnaie. L’intérêt personnel et l’imitation sont les moteurs de l’adoption, celle-ci se passe naturellement sans qu’une autorité centralisée n’ait besoin d’impulser et d’imposer cette dynamique. Rappelons, enfin, que le but du progrès technique et technologique est de réduire au maximum les frictions dans le marché. Pour cette raison, une monnaie marchandise, la plus universellement acceptée et demandée, sera toujours préférée par le marché plutôt qu’un système de dette interpersonnelle ou un système basé sur une multitude de monnaies locales.
Les “considérations sociales et sociétales” de la monnaie et de la dette
Pour M. Cayla, la tradition libertarienne et autrichienne “butte sur une contradiction : la monnaie est, par nature, un instrument collectif et plus précisément de l’Etat.” Il s’agit de la question centrale de l’ensemble de l’article. Pour l’auteur, “la dette permet d’inscrire les relations économiques dans un ensemble social plus vaste”, en résumé, que la dette est nécessaire et bénéfique pour nous engager socialement les uns envers les autres et dans leurs relations économiques. Sans cela, l’individu ne serait motivé que par son intérêt propre, individuel voire égoïste.
Cependant, comme nous l’apprennent les économistes autrichiens, c’est la somme des intérêts individuels qui, justement, bénéficie au collectif en général. Les individus coopèrent et se coordonnent naturellement via le marché libre parce qu’ils espèrent améliorer une situation présente insatisfaisante pour une situation future plus satisfaisante. Les individus ont eux-mêmes compris, sans l’intervention de la puissance publique, que la coopération était supérieure à la prédation pour atteindre leurs fins. Il s’avère ensuite, simplement, que le marché libre est la meilleure forme d'organisation sociale trouvée par l’homme pour maximiser les chances d’atteindre, collectivement, l’ensemble de ces fins multiples. Ainsi, contrairement à ce que pense M. Cayla, le marché libre est bien une forme d'organisation sociale dans laquelle existe la notion de “collectif”. Ou pour reprendre ses mots, c’est le marché, cette organisation sociale spontanée organisée sur un “rapport purement interindividuel fondé sur des logiques d’intérêt” qui bénéficie au collectif.
Il faut simplement relire la “Fable des Abeilles” de Bernard de Mandeville pour comprendre que la somme cumulée des égoïsmes arrive à produire l’abondance. L’égoïsme et le désir de bien-être matériel, habituellement stigmatisés comme des vices bourgeois, sont en réalité des incitations dont l'action contribue fortement à la prospérité de tous et donc à la civilisation entière comme l’écrivait Ludwig von Mises.
“Il n'existe donc pas de conflits irrémédiables entre égoïsme et altruisme, entre économie et éthique, entre les préoccupations de l'individu et celles de la société. La philosophie utilitariste et sa création la plus aboutie, l'économie, ont réduit ces antagonismes apparents à l'opposition des intérêts à court et à long termes. La société n'aurait pas pu naître ou être préservée sans une harmonie des intérêts correctement compris de tous ses membres.” Ludwig von Mises - Théorie et Histoire
L’État n’est donc pas nécessaire puisque cette organisation humaine organique précède son existence et subsistera même en cas de faillite et disparition de l’État.
Aussi, pour les économistes autrichiens, la monnaie joue un rôle central et est un bien unique dans le marché. Elle n'est pas créée pour être consommée, contrairement aux biens de consommation, ni conçue pour servir à la fabrication de biens de consommation, comme les biens d’équipement. Si elle n’est pas détruite, consommée, usée ou améliorée, elle n'a donc pas besoin d'être remplacée. La monnaie ne sert qu’à une seule chose : être une mesure de la valeur (un ratio d’échange entre les biens) et un intermédiaire d’échange pour l’économie.
“La monnaie n’est pas consommée, sa fonction est d’agir comme un intermédiaire d’échange - de permettre aux biens et aux services d'être échangés le plus rapidement possible d’une personne vers une autre.” Murray Rothbard - État, qu’as tu fait de notre monnaie ?
Dans la pensée économique autrichienne, l’un des rôles de la monnaie, en tant qu’intermédiaire d'échange, est de diffuser de l’information sous la forme des prix. Le prix forme un signal, il est à la fois l’expression comptable de la valorisation subjective qu’un acteur économique fait de son bien et, à l’échelle de la société, une étoile directrice qui informe l’ensemble des acteurs économiques sur l’état du marché. Cette transformation de la valorisation subjective en termes monétaires est essentielle pour l’échange ; c’est de cette manière que deux valorisations, celles de l’acheteur et du vendeur, vont pouvoir s’accorder. A l’échelle du marché, cela se traduit par un outil permettant de coordonner les actions de millions d’individus dans cette organisation sociale spontanée qu’est le marché libre.
Il n’y a donc, contrairement à ce qu’écrit M. Cayla, aucune “contradiction entre une monnaie “institution sociale” et un marché “instrument de coordination interindividuelle”. Le marché et la monnaie sont des institutions sociales spontanées. L’une et l’autre sont les meilleurs instruments de coordination que les individus ont trouvés pour avancer ensemble dans la division du travail et la spécialisation des compétences, le tout afin de pouvoir tous accéder à leurs propres fins. La dette n’est donc pas le lien social nécessaire pour inciter les individus à coopérer, ils le font naturellement sans devoir entrer dans une logique de débiteur/créancier les liant les uns aux autres.
Enfin, contrairement à ce que dit M. Cayla, la valeur de la monnaie n’est pas “profondément politique” ni même une créance sur la société entière. Elle émane simplement du fait qu’elle est demandée et échangée pour sa capacité à servir d'unité de compte stable dans le calcul économique et de réserve de valeur dans laquelle les individus peuvent avoir confiance pour consommer autant demain qu’aujourd’hui. Sa valeur ne se légifère pas. Elle ne provient ni du politique, ni d’une autorité centrale, ni d'une dette perpétuelle que les autres nous devaient si nous étions détenteurs de la monnaie. La monnaie est simplement un bien, un ratio d’échange entre tous les autres biens du marché. Rien de plus.
Monnaie marchandise et dette
Aussi, il n’est pas surprenant de lire l'énorme incompréhension de M. Cayla concernant la possibilité d’avoir recours à la dette sous un étalon monétaire basé sur une monnaie marchandise. Selon lui, les libertariens souhaitent faire de la monnaie un instrument “libre de dette”, un “graal”, d’une monnaie sans dette, sans rapport social.” Comprenez, un système dans lequel la dette est impossible. La question qui se pose alors est la suivante : La dette est-elle possible dans un étalon monétaire basé sur une monnaie marchandise “neutre et extérieure à la société” comme l’or ? La réponse est oui.
Pour comprendre cela il faut explorer les théories essentielles concernant le calcul monétaire, la théorie de la structure du capital, l’importance du temps dans l’économie et le calcul du prix intertemporel du capital (le taux d’intérêt). Sans grande surprise, toutes ces notions sont absentes des courants de pensée économique modernes. Il n’est donc pas surprenant de lire une telle incompréhension chez M. Cayla puisque ces bases économiques essentielles sont absentes.
Oui, la dette est possible dans un étalon monétaire dur. Tout simplement parce que les agents économiques ont des préférences temporelles différentes, plus ou moins tournées vers le présent ou vers l’avenir. En conséquence, à l’échelle de la société, le capital des individus est soit consommé (haute préférence temporelle) soit épargné (faible préférence temporelle). Lorsque le capital disponible dans les dépôts à terme des banques commerciales est important, le signal est envoyé aux entrepreneurs qu'ils doivent investir dans l'allongement de la structure du capital. Inversement, une faible épargne, donc une forte consommation des revenus présents, informe les entrepreneurs qu'ils doivent concentrer leurs efforts sur les étapes de production les plus proches de la consommation.
Ces différences de valorisation temporelle rendent donc possibles les échanges mutuellement profitables et la coopération entre les agents économiques. La dette, ces fonds empruntables, est un marché et comme tout autre marché, celui-ci est régi par la loi de l'offre et de la demande. La dette n’est en rien une obligation sociale. Ce sont précisément ces différences d’évaluations temporelles entre les individus qui permettent l'échange intertemporel du capital et la fixation de son prix intertemporel (le taux d’intérêt). L’emprunt et la dette sont donc possibles, même avec une monnaie marchandise, neutre et non soumise à l’ingérence de la force publique.
Je vous conseille cette vidéo de Saifedean Ammous, ci-dessus, afin de comprendre cette notion essentielle et mal comprise en économie : le taux d'intérêt, le temps, la préférence temporelle des agents économiques, le taux originel et le taux de marché. Ces idées sont également résumées dans cet article.
Perversion des étalons monétaires métalliques par l’État
Dans son article, M. Cayla écrit que les partisans des cryptomonnaies croient que “les instruments monétaires fondés sur l’or ou l’argent, dont la valeur reposait, pensent-ils, non pas sur une quelconque confiance, ni sur un État, mais sur la rareté du métal dont ils étaient constitués. Cette monnaie aurait été créée par les marchands pour les aider à commercer entre eux, puis aurait été pervertie par l’action de l’État qui se serait mis à manipuler pour son propre compte en imposant une fiscalité et en s’arrogeant le droit exclusif de l’émettre. Plus tard, l’État aurait détaché la monnaie de son substrat métallique et l’aurait “pervertie” en permettant que soit créée une “monnaie dette”, celle que nous connaissons aujourd’hui.”
Il est évident que les États, mais aussi les banques commerciales, ont manipulé les anciens étalons métalliques à leur avantage tout au long du 19ème siècle, pendant l’étalon bimétallique or-argent puis pendant l’étalon or international. Pour le bimétallisme, la simple existence d’un cours forcé et d’un cours légal fixe instauré par les États entre l’or et l’argent suffit à le prouver. En s’extrayant des cours commerciaux en vigueur, par exemple en voulant nier la réalité que l’or n’était pas si rare que ça suite aux découvertes des filons d’or en Californie, Afrique du Sud et Australie, les états ont manipulé à leur avantage les taux de change de ces anciens étalons bimétalliques.
C’était également le cas sous l’étalon or international (1870 - 1914) avec la monnaie papier. Des économistes de l’époque, comme William Stanley Jevons, s’alarmaient d’ailleurs du risque d’émission de certificats de dépôts or et de billets de banque supérieur en nombre aux réserves d’or réellement détenues par les banques. Cette crainte et ces manipulations ont ensuite rythmé le 20ème siècle jusqu’à la disparition de l’étalon de change or en 1971.
Comme nous l’avons vu dans un article précédent sur les banques centrales, notre système actuel repose essentiellement sur la manipulation du prix de la monnaie et du capital.
Cette manipulation peut prendre des formes diverses, tout d’abord celle de l’augmentation arbitraire de la monnaie par les impressions monétaires et la manipulation des taux directeurs.... Si nous suivons les théories de l'économie autrichienne, le résultat de telles manipulations des prix est donc facile à prévoir : manipuler l’émission de la monnaie, par des taux artificiellement bas (ou hauts), c'est désordonner l’équilibre entre l'épargne réellement disponible et l'investissement, désajuster la structure du capital, fausser le calcul monétaire et créer une incoordination intertemporelle sur l’ensemble du marché et de la société.
“La manipulation monétaire sous forme d’expansion de crédit produite par le système bancaire, sans l’appui d’épargne préalable, met à la disposition des entrepreneurs de nouvelles ressources financières ; ils les consacrent à l’investissement réel comme si l’épargne de la société s’était accrue, alors qu’en fait il n’y pas de raison pour que cela se soit produit. De cette manière, les processus de production se prolongent, à cause de la baisse artificielle du taux d’intérêt, qui ne pourra pas se maintenir à long terme.”
Jesus Huerta de Soto - l’École autrichienne
Prenons l’exemple des baisses des taux directeurs décidées par les banques centrales. Ceux-ci permettent aux banques commerciales l’octroi de prêts à des taux d’intérêt extrêmement bas. Les entrepreneurs reçoivent ainsi le signal d’une disponibilité actuelle de capitaux importante, signe, en temps normal, d’une épargne disponible qui se transformera en de la consommation future. Cependant, ce n’est pas le cas. La consommation demeure forte. L’épargne réelle de la population, quant à elle, n’est pas réelle contrairement à ce que laissent penser les taux d’intérêt.
Les entrepreneurs s’engagent donc dans des détours de production qui ne sont pas nécessaires. Les mauvaises allocations de capitaux explosent en même temps que l’offre de la monnaie dans l’économie… S’ensuit un faux boom économique. Ce sont ici les prémices de la théorie des cycles économiques de l'école autrichienne, développée par Mises et Hayek. Je vous conseille le visionnage de la conférence de Roger Garrison (ci-dessus) sur ce sujet.
L’économie, science sociale ou science dure
M. Cayla critique également dans son article “la prétention de la science économique à disposer d’un domaine propre au sein des sciences sociales”. En somme, que l’économie ne peut être analysée que sous le prisme empirique et inductif, un approche pourtant propre au champ d’analyse et d’étude des sciences naturelles. Encore une fois, tout oppose les économistes autrichiens et les économistes néo keynésiens comme M. Cayla sur leur vision de l’individu et de l’homme en général.
Les individus ne sont pas des brins de "données" homogènes et prévisibles, comme des molécules ou des atomes, mais des êtres uniques ayant chacun leurs propres objectifs et faisant leurs propres choix. Penser le contraire, c'est sombrer dans ce que Friedrich Hayek appelait le Scientisme, ce mirage de la Raison qui nous fait croire qu'il est possible d'appliquer la méthodologie d’analyse des sciences naturelles à l'étude des comportements humains. Ce Scientisme ouvre également la voie à la déshumanisation progressive et inévitable de l’homme, dont la grandeur, la créativité et l’ingéniosité sont nécessairement niées et passées sous silence pour satisfaire aux lois constantes des modèles économiques "objectifs et maximisateurs”. Il faut au contraire privilégier une approche différente : Le dualisme méthodologique. C’est cette approche que défendent les économistes autrichiens.
Comme le disait Mises, il faut en effet deux approches distinctes pour étudier deux réalités différentes : une approche empirique, inductive, pour les sciences naturelles, et une approche praxéologique, axiomatico-déductive, pour les sciences humaines. M. Cayla qualifie cette dernière approche des économistes autrichiens comme étant extrême. Il n’en est rien. Celle-ci est la seule manière d’approcher convenablement le fait économique, car, comme disait Carl Menger, “l’homme est toujours le début et la fin du processus économique.”
Dépolitiser et désétatiser la monnaie
Oui, Bitcoin est une “défiance institutionnelle” et une réponse à la perte de “légitimité de l’État et des institutions politiques”. Face à cette longue histoire faite de manipulations de la monnaie, la solution qu’apporte Bitcoin est simple : la séparation de la monnaie et de l’État. Soyons clairs, le pouvoir corrompt et le pouvoir absolu corrompt absolument. L’homme est faillible et la manipulation monétaire demeure la tentation ultime, car c’est le monopole ultime. L’histoire ne nous montre pas autre chose. De ce fait, s’en remettre à un protocole informatique plutôt qu’à la confiance à une entité tierce et centralisée inévitablement corruptible est une idée séduisante. Cela élimine le risque de contrepartie, le risque de censure et de manipulation. Hayek disait qu’il fallait retirer à l'État la gestion de la monnaie, Bitcoin va plus loin, il retire à l’Homme la gestion de la monnaie.
Comme je l’écrivais de dans mon post sur X, pour un collectiviste, il est insupportable que la monnaie échappe au pouvoir politique et il leur est intellectuellement inconcevable que la monnaie échappe au politique et puisse simplement être un bien neutre reflétant la réalité de ce qu'elle est censée calculer pour le marché : la meilleure allocation possible des ressources rares dans le système de production.
En ce qui concerne les économistes modernes comme M. Cayla, ces derniers ne sont que des militants politiques, des “intellectuels d’état” comme disait Rothbard, rien de plus. Leur seul but est de légitimer l’interventionnisme étatique dans l’économie. Au contraire, prônons une autre approche, laissons le marché décider de sa propre monnaie, il le fera mieux que n'importe quel “économiste, juriste, politiste, sociologues, historien, psychologue et philosophe”... qui ont tous, rappelons le, un intérêt personnel, idéologique et militant à ce que le système actuel perdure au détriment de tout bon sens économique.
Observons par exemple ce que Javier Milei va faire en Argentine avec la mise en place du rêve hayekien de la libre concurrence des monnaies. La pratique fera toujours voler en éclats les systèmes idéologiques et la pseudo-science de nos économistes d’université. Comme disait Hayek, toute "direction conscientisée" du marché est vouée à l'échec et au désastre.