Comment le prix se décide-t-il ?
Comment le prix se décide-t-il et pourquoi celui-ci doit être fixé librement par les forces du marché.
Qu'est ce que le prix ? Nous avons déjà évoqué cette question dans de précédentes publications. Le taux d’intérêt comme prix du capital, le faux prix de la monnaie causé par la manipulation des taux directeurs ou encore l’impossible calcul économique en régime socialiste… Dans cet article je vous propose de revenir sur cette question dans tout ce qu’elle a de plus simple : l’origine de la fixation d’un prix d’un bien lors d’un échange.
Le prix est décidé par l’échange volontaire
L'idée ici est assez simple, le prix est toujours fixé entre le prix maximum qu'un consommateur consent à payer pour un bien et le prix minimum qu'un vendeur accepte pour se séparer de ce même bien. Ainsi, dans une transaction, il y a toujours deux individus, deux biens (la monnaie et le bien de consommation) et deux valorisations différentes de ces biens qui interviennent. Quand la transaction aboutie, et que les biens sont échangés, les deux individus profitent mutuellement de l'échange. Il n’y a donc, dans un marché libre basé sur l’échange volontaire, que des relations de gagnant-gagnant.
Pensons par exemple à la boulangère qui préfère l'argent à sa baguette et l'acheteur qui préfère la baguette à son argent.
“Le fait le plus important d’un marché libre est qu’aucun échange n’a lieu sans que les deux parties n’en profitent.” Henry Hazlitt
De plus, il est intéressant de rappeler que l’utilité marginale d’une unité supplémentaire d’un même bien est essentielle afin de comprendre pourquoi l’échange n’est possible que parce que les individus valorisent différemment les biens selon leurs besoins. Le marché libre fonctionne précisément parce que les individus sont différents. Ils ne sont pas des homo oeconomicus identiques, objectifs et interchangeables. Dans la même logique, il est également essentiel de comprendre que le prix n'est pas un indicateur de la valeur d'un bien. Il est simplement une donnée comptable, un ratio d’échange, exprimé dans un autre bien qu’est la monnaie. La valeur quant à elle émane de l’individu et du rapport qu’il entretient avec le bien. La valeur est unique, subjective et individuelle, elle dépend de la relation de l’individu avec son environnement, de sa préférence temporelle et elle est, de ce fait, sans cesse changeante.
“Ce que les prix résument, c’est la quantité d’une chose (un bien) que les gens sur le marché sont prêts à sacrifier pour une autre chose (la monnaie). Les prix sont les taux d’échange courants entre les différents biens et ils envoient des signaux importants aux participants au marché.” Eamonn Butler
L’échange volontaire entre deux individus forment ainsi la base sur laquelle les prix libres émergent dans le marché global. Le prix des biens, dont la monnaie, sont constamment négociés, changeants et dynamiques. C’est l’idée de Ludwig von Mises de ce “référendum quotidien” des consommateurs qui vient influencer, par l’achat ou le non achat, jusqu’à la manière dont la structure globale du capital est organisée, même dans ces étapes de production les plus éloignées de la consommation. Chaque "vote" a donc son importance. Qu'il soit émis par les plus humbles ou les mieux lotis d’entre nous. Les prix ne sont donc jamais fixes, ils évoluent sans cesse grâce aux consommateurs qui, par leurs choix, réajustent continuellement le marché en fonction de leurs besoins et de leurs valorisations subjectives.
Les prix libres influencent la structure du capital dans sa globalité
Cette idée de structure du capital vient d’un économiste autrichien moins connu, Eugen von Böhm-Bawerk. Connaissant parfaitement les “Principes d’économie politique” (sans pour autant avoir été un élève de Carl Menger), Böhm-Bawerk a apporté énormément à la pensée autrichienne sur les points suivants : l’importance du temps, le calcul du taux d’intérêt, la réfutation du marxisme économique et la notion de structure du capital (et des détours de production associés). Notion cruciale de la pensée économique autrichienne, la structure du capital est l’organisation complète de l’ensemble des étapes de production dans une économie capitaliste. De l’extraction des ressources, à la production des biens de consommation en passant par les étapes intermédiaires de production. Dans cette logique, les consommateurs, par l’achat ou le non achat des biens produits, influencent directement la structure du capital. La multitude d’acheteurs et de vendeurs se coordonnent ainsi automatiquement à la réalité sans cesse changeante d’un marché qui tend toujours à l’équilibre, à l’état de repos comme dirait Mises, sans jamais l’atteindre.
Le prix, lien entre les résultats passés et la production future
Le prix signale donc aux entrepreneurs ce qui doit être produit, ce qui ne doit pas ou plus l’être, réarrangeant ainsi la manière dont les ressources sont utilisées, demandées, échangées et produites. Les consommateurs signalent également aux entrepreneurs l’état actuel du marché et de la société, en décidant d’épargner ou de consommer leurs revenus. En réaction, la structure du capital a le temps de se complexifier et de “s’allonger” (les détours de production) ou doit au contraire se concentrer sur les étapes les plus proches de la consommation pour répondre à la demande des consommateurs. Pareillement, si des événements quelconque viennent faire augmenter le prix de tel ou tel bien, les consommateurs (par leur abstention de consommation) et les entrepreneurs (par leur recherche de profits) vont l’un et l’autre réagir aux changements de prix afin de répondre à ce déséquilibre dans l’offre et de la demande.
La réaction aux prix changeants d’un bien reflète également une idée importante dans la vision du prix par les économistes autrichiens : celle d’un prix synthétisant la somme des prix passés (et donc des résultats connus) et les prévisions des prix futurs, et donc des profits potentiels. Le prix est le lien intertemporel entre le passé et le futur, vers lequel l’action humaine est toujours tournée. Il peut être ainsi considéré comme l’un des héritages les plus importants qu’une nouvelle génération reçoit de la précédente.
“Les prix envoient des signaux importants aux participants au marché. Si le prix de quelque chose augmente — pour quelque raison que ce soit — cela incite les acheteurs à en utiliser moins et à reporter leurs dépenses vers des choses qu’ils apprécient davantage ; et cela incite les vendeurs à en produire plus et à profiter de la monnaie supplémentaire.” Eamonn Butler
Les prix établis par la multitude des individus composant le marché synthétisent donc toutes ces informations, les prix passés ainsi que les prix auxquels un individu (entrepreneur ou consommateur) peut s'attendre dans le futur. Ce système permet le calcul monétaire à l'échelle du marché. On comprend ainsi que des prix libres sont essentiels pour déterminer les coûts. On comprend également que sans la propriété privée et les échanges volontaires il ne peut y avoir de découverte des prix.
Enfin, on arrive à la conclusion logique qu’il ne peut exister de différence, aucun écart, de prix entre la microéconomie et la macroéconomie, tout simplement parce que la distinction entre les deux n’existe pas.
Comment Ludwig von Mises résume la question dans l'Action Humaine
Dans son ouvrage majeur, l’Action humaine, Mises résume parfaitement l’importance du prix pour le calcul économique et comment le prix se forme lors de la rencontre de deux valorisations différentes lors d’un échange.
“La source ultime de la formation des prix réside dans les jugements de valeur des consommateurs. Les prix sont le résultat de jugements de valeur préférant “a” à “b”. Ce sont des phénomènes sociaux parce qu'ils résultent de l'interaction des jugements de valeur de tous les individus qui participent au fonctionnement du marché. Chaque individu, lorsqu'il achète ou s'abstient d'acheter, et lorsqu'il vend ou s'abstient de vendre, apporte sa contribution à la formation des prix de marché. Mais plus le marché est large, plus faible est le poids de chacune des contributions individuelles. C'est ainsi que la structure des prix de marché apparaît, à l'individu, comme une donnée à laquelle il doit ajuster sa conduite. Les jugements de valeur qui aboutissent à déterminer des prix définis sont des jugements différents. Chacune des parties attache plus de valeur à ce qu'elle reçoit qu'à ce qu'elle cède. Le taux de l'échange, le prix, n'est pas le produit d'une égalité de valeurs, mais au contraire d'une discordance entre jugements de valeur.”
Concernant le calcul monétaire, résultat des prix libres :
“Le calcul monétaire est l'étoile directrice de l'action, en régime social de division du travail. C'est la boussole de l'homme qui s'embarque dans la production. Il calcule afin de distinguer les filières de production profitables de celles qui ne le sont pas, celles que les consommateurs souverains sont susceptibles d'approuver de celles qu'ils désapprouveront probablement. Chaque démarche élémentaire, dans les activités d'entreprise, est soumise à examen par voie de calcul économique."
" [...] Ce n'est pas le rôle du calcul économique que d'étendre l'information de l'homme sur l'avenir. Son rôle est d'ajuster les actions de l'homme, aussi bien que possible, à son opinion présente concernant la satisfaction des besoins dans l'avenir. Pour cette tâche l'homme qui agit à besoin d'une méthode de computation, et la computation requiert un dénominateur commun auquel tous les éléments pris en compte peuvent être rapportés. Le commun dénominateur du calcul économique, c'est la monnaie.”
Le prix se décide toujours sur la base de l’échange volontaire des acteurs économiques et est essentiel pour établir un calcul monétaire sain dans l’économie. Il est de ce fait important pour la force publique de laisser les individus échanger le plus librement possible, sans contraintes ni régulations, afin que les prix décidés par le marché reflètent le plus possible la vraie valeur du capital.
Les voies alternatives de production seront alors réellement prises en considération par les entrepreneurs afin d’allouer le capital le plus efficacement possible. Rappelons enfin que le but des prix est de permettre l’étude des résultats passés à partir desquels prévoir l’action future, ils sont en ce sens précieux pour le collectif dans son ensemble puisqu’ils forment un lien intertemporel entre les générations. Un lien, une étoile directrice, à suivre pour aller vers sans cesse plus de progrès technologiques et de meilleures conditions de vie.