Pourquoi l'or ne reviendra pas
L'or ne reviendra pas comme étalon monétaire et une meilleure alternative existe aujourd’hui à l’ère du numérique : Bitcoin
L’or est souvent présenté comme la « monnaie idéale » par certains, il est rare, divisible, durable, transportable, homogène, fongible et reconnaissable... Il possède en effet plusieurs de ces qualités en plus de celles d’avoir émergé spontanément dans le marché et d’échapper à toute gouvernance privée qui pourrait décider arbitrairement de son émission.
Malgré tout, il faut souligner plusieurs importants qui expliquent pourquoi celui-ci ne reviendra pas comme étalon monétaire et qu’une meilleure alternative existe aujourd’hui à l’ère du numérique : Bitcoin
Concernant la rareté :
L'or n'est pas rare. Le stock actuel d'or dans le monde est évalué à environ 190 000 tonnes, avec un ajout constant de 2 500 à 3 300 tonnes par an. Entre 1980 et 1993, la production mondiale d'or a en effet bondi de 1 200 tonnes par an à 2 300 tonnes par an, soit une augmentation de plus de 90 % des extractions annuelles en seulement 13 ans. En prenant encore plus de recul, on constate que les réserves d'or mondiales sont aujourd'hui sept fois plus importantes qu'en 1910, alors que les monnaies des grandes puissances mondiales étaient encore basées sur l'étalon-or.
Pour comprendre cette idée essentielle il faut se pencher sur la notion du Stock to Flow (S2F), un calcul économique permettant de calculer efficacement la rareté d’un actif. Ce calcul tient compte des réserves déjà existantes (stock) d’un actif ramenées à sa production annuelle (flow). L’idée, est qu’un actif est considéré comme rare plus sa production annuelle est faible comparée aux stocks déjà existants.
En réalité, la rareté supposée de l'or provient essentiellement des stocks conséquents accumulés depuis 5 000 ans, ce qui rend sa production annuelle relativement importante par rapport à son stock (S2F). Il s'agit d'un sentiment de rareté, rien de plus.
La rareté de l'or dépend essentiellement de notre capacité à en trouver, à l'extraire et à le traiter. L’économie est un fait intellectuel, pas une question de « rareté » subie. De plus, l’or est un actif dont l’offre peut s’adapter à la demande. Autrement dit, une hausse des prix, donc de la demande, incite les producteurs à en produire davantage.
Pour aller plus loin sur ce sujet : “Bitcoin vs Or : Lequel des deux est le plus rare ?”
Concernant la Divisibilité :
C'est précisément pour cette raison que le bitcoin est supérieur à l'or : sa monnaie est hautement divisible, jusqu'à la huitième décimale. Cette caractéristique lui confère une grande flexibilité et lui permet de couvrir un large éventail de transactions, de l’achat d’un pain à celui d’une maison. Une prouesse dont l’or a toujours été incapable.
Ironiquement, l’or n’a que très rarement été échangé de main à main tout au long de son histoire. Un comble pour une monnaie.
Pourquoi ? Parce que l’or possède tout simplement un pouvoir d’achat par unité de poids bien plus élevé que l’argent et les autres métaux. Ainsi, dans les anciens systèmes monétaires bimétalliques ou trimétalliques, on a eu recours à des pièces divisionnaires pour pallier l’incapacité de l’or à servir d’intermédiaire efficace pour l’ensemble des échanges économiques. La principale qualité de l’or (sa prétendue rareté) est également à l’origine de sa plus grande faiblesse : son manque de divisibilité.
Ce défaut, inhérent à la nature physique de cette monnaie-marchandise, explique pourquoi l’or a toujours nécessité des substituts monétaires pour remplir convenablement son rôle d’intermédiaire dans les échanges. D’abord métalliques, ces substituts sont progressivement devenus papiers (certificats de dépôt, billets de banque, comptes chèques, etc.), facilitant ainsi la corruption inévitable du système de l’étalon-or international classique (1870-1914), jusqu'à la transition finale vers les monnaies fiat à partir de la Première Guerre mondiale.
Bitcoin n'a pas ces défauts physiques. C’est pourquoi Bitcoin est la première véritable monnaie dont l’humanité dispose, car elle réunit les grandes propriétés aristotéliciennes, et surtout la qualité première de la monnaie telle que décrite par Carl Menger : l’échangeabilité.
Pour aller plus loin sur le sujet : “La divisibilité monétaire, Bitcoin et la Pizza”
Concernant la transportabilité
Si l’or conserve bien sa valeur dans le temps, c’est aussi un actif difficilement transportable et qui circule mal. C'est l'un des principaux arguments contre le retour de l'étalon-or dans un monde de plus en plus numérique. Ce problème n'est pas nouveau ; il est identifié dès le Moyen Âge. À cette époque, une solution est apportée avec l’apparition du papier-monnaie sous forme de certificats ou de récépissés de dépôt, qui fournissent à une banque la preuve de la propriété d’or par un tiers.
Cette solution met cependant en évidence une réalité insurmontable : pour être un intermédiaire d'échange efficace dans une économie, l'or doit nécessairement basculer vers un système utilisant de la monnaie papier ou autre. Deux autres limites de l’or apparaissent alors : le problème de la sécurisation de l’or et sa conséquence ultime, à savoir la centralisation progressive, l’opacité des réserves et la manipulation par les autorités centrales.
Il faut lire le livre « Rupture monétaire » de Lyn Alden pour comprendre que c’est précisément le manque de transportabilité de l’or qui le disqualifie totalement comme monnaie à l’ère des télécommunications. Si cela était vrai à la fin du 19ème siècle, avec l’émergence des communications télégraphiques transcontinentales, c’est encore plus vrai aujourd’hui.
Pour aller plus loin sur le sujet : “Episode #20 - Rupture monétaire (Broken Money) avec Bastien.
Concernant la « reconnaissabilité »
Ironiquement, la monnaie papier a apporté une première réponse à un autre problème lié à l'or : la vérification de son authenticité.
Comment vérifier l’authenticité de son or ? La solution choisie au fil des années est restée la même : un contrôle par des experts et une centralisation progressive des réserves d’or, dont l’authenticité est « vérifiée et garantie », dans les coffres des banques. En résumé, on fait encore et toujours appel à un intermédiaire.
Autre solution : des tests de conductivité et de magnétisme. Le problème, c'est que cela est chronophage, long et impraticable à l'échelle du marché. Le progrès ne va jamais dans le sens de plus de frictions, bien au contraire. Un exemple assez parlant sur le sujet : En 2010, soit deux ans seulement après la crise financière, le marché mondial de l'or est secoué par un scandale qui ébranle la confiance des nouveaux investisseurs : la découverte de lingots de tungstène (un métal commun) plaqués or, provenant d'une banque anonyme et fondus par la fonderie allemande W.C. Heraeus Foundry. En 2012, la fonderie suisse Metalor fait une découverte similaire sur un lingot d’un kilo.
Ces lingots de tungstène présentaient la même densité, la même masse, le même diamètre et la même épaisseur de tranche que les lingots classiques. Leur estampillage, prouvant à la fois leur authenticité et leur pureté, était également correct. L’illusion était presque parfaite.
L’histoire de ces lingots, qui sont passés inaperçus sur un marché aurifère mondial pourtant très contrôlé, a suscité une profonde méfiance. L’or n’est donc pas facilement reconnaissable, contrairement aux UTXO de Bitcoin, par exemple.
Pour aller plus loin sur le sujet : “Le retour à l’étalon or, une bonne idée ?”