Les limites physiques de l’or : Transportabilité, authentification et sécurisation …
Vers l’inévitable centralisation des réserves d’or
L’histoire tumultueuse de l’étalon-or à l’heure des rumeurs d’un éventuel retour de celui-ci sous l’égide des BRICS, nous pousse à nous questionner si l’or est, oui ou non, le meilleur actif sur lequel adosser une future devise internationale. Plusieurs problématiques de base, liées avant tout à ses propriétés physiques, jouent en sa défaveur.
Si l’or conserve bien sa valeur dans le temps, c’est aussi un actif difficilement transportable et qui circule mal dans une économie. C’est ici l'un des principaux arguments contre le retour de l’étalon-or dans un monde de plus en plus digitalisé. Ce problème n’est pas nouveau, il est identifié dès le Moyen Âge. Une solution y est apportée à cette époque avec l’apparition du papier monnaie, sous forme de certificats ou de récépissés de dépôt, fournissant d’une banque à l’autre la preuve de propriété d’or par un tiers. Cette solution met cependant en avant une réalité insurmontable : Pour être un intermédiaire d’échange efficace dans une économie, et ainsi rassembler toutes les qualités aristotéliciennes d’une monnaie, l’or doit nécessairement basculer vers un système utilisant de la monnaie papier.
Cette évolution forcée est indispensable pour résoudre les problématiques de divisibilité et de liquidité requises pour les petits achats et résoudre le casse-tête logistique des grands transferts de propriété. Imaginez tout simplement payer un café en poudre d’or, une maison avec des lingots, léguer votre épargne en or à un tiers vivant à l’étranger...
La monnaie papier apporte un début de réponse à un autre problème propre à l’or : la vérification de son authenticité. En 2010, deux ans seulement après la crise financière, le marché aurifère mondial fait face à un scandale qui secoue la confiance des nouveaux investisseurs dans l’or : celui de la découverte de lingots de tungstène (un métal commun) plaqués or en provenance d’une banque anonyme et fondus par la fonderie allemande W.C.Heraeus Foundry. La fonderie suisse Metalor fait une découverte similaire en 2012 sur un lingot d’un kilo. Ces lingots de tungstène présentaient la même densité, la même masse, le même diamètre et la même épaisseur de tranche que les lingots classiques. Leur estampillage, prouvant à la fois leur authenticité et pureté, étaient également les bons. L’illusion était presque parfaite tant que personne ne vérifiait leur contenu ou expertisait sérieusement, via des tests de conductivité et de magnétisme, leur authenticité.
L’histoire de ces lingots, passés inaperçus sur un marché aurifère mondial pourtant très contrôlé, a suscité une profonde méfiance. Cette histoire souligne à elle seule une limite de l’or liée à sa physicalité, comment vérifier l’authenticité de son or à titre individuel ? La solution choisie au fil des années demeure celle d’un contrôle par des experts et la centralisation progressive des réserves d’or, dont l’authenticité est “vérifiée et garantie”, dans les coffres des banques.
Dernière limite de l’or liée à ses propriétés physiques est sa sécurisation et la propriété en propre de l’actif. Si l’or ne peut être utilisé comme intermédiaire d’échange entre individus, il convient alors de trouver des solutions pour stocker les réserves aurifères qui seront utilisées pour gager le papier monnaie en circulation.
Si un particulier souhaite assurer lui-même la garde de son or, faire de la self-custody en somme, il devra inévitablement investir d’importantes sommes en ce sens. Cela peut impliquer l’achat d’un coffre-fort, l’installation d’un système de surveillance, l’emploi de gardiens… Onéreux, encombrant et compliqué à mettre en place, un détenteur d’or choisira plus volontiers de déléguer la gestion à un tiers, comme à une banque, qui s'assurera de la sécurisation de l’or moyennant des frais de garde. Ce choix est celui qui a traditionnellement été fait par les particuliers, les institutions et les États.
En déléguant la sécurisation, le propriétaire délègue également sa propriété. Finalement, en est-on véritablement propriétaire de son or si nous ne pouvons pas en profiter à tout moment ?