Est-il “immoral d’être milliardaire” ?
En congrès à Angers, le chef de file de la France insoumise s’en est pris au capitalisme, au libéralisme qualifiant d'immoral d'être milliardaire aujourd’hui.
En congrès à Angers, le chef de file de la France insoumise s’en est pris au capitalisme, au libéralisme qualifiant d'immoral d'être milliardaire aujourd’hui.
"C’est toujours la même chose: les uns accumulent sans fin et les autres se font dépouiller de même en parallèle exact [...] Tout ce qui va aux milliardaires a été retiré à ceux qui produisent. C’est la vérité!". Le libéralisme c’est la catastrophe permanente qui a ruiné ce pays, ses finances et sa capacité d’invention [...] Voilà la vérité qui fait qu’il est immoral d’être milliardaire". - Jean-Luc Mélenchon
Première erreur : la répartition des richesses
"C’est toujours la même chose: les uns accumulent sans fin et les autres se font dépouiller de même en parallèle exact.” - Jean-Luc Mélenchon
Si les mécanismes de répartition inégale des richesses intéressaient véritablement Jean-Luc Mélenchon, celui-ci s'intéresserait plus particulièrement à l'effet Cantillon. Il découvrirait alors, à sa grande stupéfaction, que le problème ne vient pas du "capitalisme", mais de l'État et de sa gestion calamiteuse de la politique monétaire. Gestion qui favorise toujours les premiers bénéficiaires de la nouvelle monnaie imprimée.
Pour reprendre les grandes lignes de cette réalité économique développée par l'économiste franco-irlandais Richard Cantillon (1680-1734), les principaux bénéficiaires de l’augmentation de la masse monétaire sont avantagés par rapport aux derniers bénéficiaires de la nouvelle monnaie. Pourquoi ? Simplement parce que la hausse des prix, causée par l’inflation monétaire, est un phénomène graduel qui impacte inéquitablement les biens et les individus. À mesure que la nouvelle monnaie est dépensée et passe de mains en mains entre les différents acteurs économiques, l’effet de l’inflation commence à se répercuter à travers l'augmentation des prix.



Il est essentiel de comprendre ici que l'inflation ne bénéficiera pas équitablement à la population, car ce n'est pas un phénomène uniforme. Les premiers bénéficiaires de l’inflation sont avantagés puisqu'ils peuvent encore acheter les biens, marchandises et services au prix antérieur du marché, avant que les prix n’augmentent. Le phénomène est accentué sur le long terme quand ces acteurs économiques convertissent cette nouvelle monnaie créée dans des actifs suivant ou superformant la hausse des prix (valeurs mobilières, immobilier …)
Les derniers à percevoir la nouvelle monnaie créée sont les grands perdants. Il s’agit en général des dernières strates de la population concernées par les politiques inflationnistes, comme les personnes exerçant des professions précaires déjà soumises à des contrôles des prix sur leurs revenus, ou encore les individus percevant des salaires fixes et des salaires minimums réglementés.
C’est le principal moteur des inégalités de richesse depuis l’avènement de la monnaie fiat, la neutralisation de la hausse naturelle du pouvoir d’achat de la monnaie par les banques centrales et la fin de l’étalon de change or international en 1971 sous Nixon.
Deuxième erreur : croire en la valeur travail, cette théorie obsolète depuis 150 ans
“Tout ce qui va aux milliardaires a été retiré à ceux qui produisent. C’est la vérité!" - Jean-Luc Mélenchon
Derrière cet étalage d'ignorance économique, on retrouve toujours la vieille théorie marxiste de la valeur travail. Les collectivistes de tous bords, adeptes de cette théorie, ignorent totalement l'importance de la productivité du temps et du capital, le rôle déterminant de la rareté et des préférences individuelles dans la détermination de la valeur des biens, la relation prix/coûts et les salaires, l'importance de l'investissement capitaliste, des détours de production… Ils pensent que la valeur n'émane que du facteur travail et des coûts de production.
La valeur n'émane pas du travail, mais de la satisfaction des consommateurs. Les entrepreneurs n'ont en effet qu'un seul but : servir les consommateurs, c'est-à-dire nous tous, travailleurs compris. Dans cette logique, sans les consommateurs, ils ne sont rien.
La valeur travail classique était une théorie économique difficile à dépasser au 19ème siècle. Il faudra attendre plusieurs années après la publication du Capital de Marx (1867) pour que ses théories soient rendues obsolètes. Ce sera chose faite dans les années 1870 avec l'émergence d'une nouvelle théorie de la valeur. On parle alors de la “Révolution marginale”.
L'utilité marginale d'un bien signifie simplement que le bien répond à un besoin, une envie ou un désir d'un acteur économique. Une fois le besoin satisfait par ce bien, une unité supplémentaire de celui-ci ne présentera plus le même intérêt et la même valeur pour l'individu. La valeur d’un bien s’apprécie donc à la marge, en considérant la subjectivité des besoins de l’individu. Cet individu ne prend pas en compte le travail et les coûts de production nécessaires à la fabrication d’un bien, mais uniquement l’utilité subjective qu’il peut tirer de ce bien.
Troisième erreur : Faire une lecture morale de la richesse
"Voilà la vérité qui fait qu’il est immoral d’être milliardaire". - Jean-Luc Mélenchon
La richesse et la fortune n'ont aucun lien avec la morale. Lier les deux peut même se révéler être une simplification, rétrograde, dangereuse et catastrophique pour les droits individuels et la propriété privée.
En ce sens, l'Église catholique, cette grande rivale historique des nouvelles théologies collectivistes, a mieux réussi à résoudre ce dilemme de la richesse et de la charité. Comment ? Tout simplement en distinguant ce qui relève de la “justice” de ce qui relève de la “morale” et en comprenant que le chemin vers une charité plus abondante passe avant tout par la création de richesses, et donc par la préservation de la propriété privée. Une idée qu’on retrouve dans les évangiles, dont celui de Saint Matthieu (Parabole des Talents).
On retrouve cette distinction chez les philosophes chrétiens comme Saint Thomas d’Aquin, mais aussi certains papes comme Léon XIII et Pie XI : d'un côté, la justice, c'est-à-dire le droit de propriété, et de l'autre, la morale, c'est-à-dire l'obligation de faire bon usage de cette propriété. Cette idée est centrale dans la théologie chrétienne, qui prône la préservation de la propriété individuelle et encourage les chrétiens à faire fructifier leur propriété et à croître leurs biens.
En somme, la richesse des individus ne pose aucun dilemme moral aux catholiques, car elle n’est pas mauvaise en soi. Ce qui importe est l’utilisation morale, et chrétienne, que les individus font de leur richesse. Cette obligation est individuelle et subjective, encouragée par le dogme mais pas imposée aux fidèles par l’Église. L’homme chrétien est avant tout un individu libre, libre de faire le bien comme de faire le mal. De ce fait, la violation de l'obligation morale ne peut justifier l’atteinte au droit de propriété de l’individu immoral.
Quelques passages clés cités par Hülsmann dans son livre “L'Éthique de la production de monnaie”.
“Le principe premier et le plus fondamental, si l'on veut entreprendre d'améliorer la condition des masses, doit donc être l'inviolabilité de la propriété privée.” - Pape Léon XIII
“La justice dite commutative ordonne le respect sacré de la division des biens et interdit de porter atteinte aux droits d'autrui en dépassant les limites de sa propre propriété. Cependant, le devoir des propriétaires de n'user de leurs biens que de façon correcte ne relève pas de ce type de justice, mais d'autres vertus, dont les obligations “ne peuvent être exécutées par une action en justice”. Il est donc erroné d'affirmer que la propriété et son bon usage sont limités par les mêmes frontières ; et il est encore plus éloigné de la vérité d'affirmer que le droit de propriété est détruit ou perdu en raison d'un abus ou d'un non-usage.” - Pape Pie XI
Le propre des idéologies collectivistes est précisément de ne pas séparer la “justice” de la “morale”, comme certaines religions historiques ont réussi à le faire. Cette impossible séparation montre à la fois l’immaturité de ces nouvelles idéologies et la dangerosité de celles-ci.
En bref,
En s’adressant à ses adeptes, Jean-Luc Mélenchon fait une démonstration quasi parfaite des techniques utilisées par les mouvements collectivistes au cours de l’histoire pour haranguer les foules et mobiliser les “crédules” (Hayek) autour d’eux : étalage d’incompréhension économique, lecture morale de la richesse, appel au pathos plutôt qu’au logos. Un discours à étudier tellement il symbolise toutes les faiblesses humaines, l'ignorance et les émotions, qu’utilisent ces mouvements politiques pour atteindre leur but ultime : le pouvoir.