L’IA, une force libératrice
De toutes les erreurs économiques, la plus vivace reste celle consistant à rendre la technologie responsable du chômage. Une technologie maudite qui détruit des emplois et brise des vies.
Récemment, nous avons pu voir les énormes progrès de la génération d’images par l’IA modèle GPT-4o, capable de modifier des photos et de recréer des scènes entières de film. Aussi, il y a quelques jours, Aravind Srinivas, le PDG de Perplexity, déclarait justement lors d’une interview que l’intelligence artificielle créait ce paradoxe : l’IA crée de la valeur et des opportunités, mais elle détruit aussi des emplois. Mais est-ce problématique et l'État doit-il intervenir pour empêcher ce processus et sauver les emplois menacés ? Absolument pas.
De toutes les erreurs économiques, la plus vivace reste celle consistant à rendre la technologie responsable du chômage. Une technologie maudite qui détruit des emplois, brise des vies et rompt un ordre et une sécurité établis.
Libérer le temps humain
“La force motrice déjà produite par les machines à vapeur existant et travaillant durant l’année 1887 a été calculée par le bureau des statistiques de Berlin comme équivalant à la puissance de 200 millions de chevaux ou à celle d’un milliard d’hommes, ce qui équivaut à trois fois la population active du globe…” - Henry Hazlitt - l’Économie en une Leçon
Au contraire, le but de la technologie, et du progrès en général, peut être vu de manière totalement différente : Le rôle de la technologie est de réduire (disons même détruire) au maximum les frictions et les emplois pénibles et chronophages. Historiquement, cela passait par la suppression du labeur, qui est désormais l'œuvre des machines. Aujourd’hui, cela passe par la suppression du temps nécessaire, donc en un sens perdu, à rechercher, traiter et rendre utilisable l'information.
Rappelons que dans le système productif d’une économie, le temps humain est la ressource la plus rare qui existe, bien plus encore que les ressources physiques. Il n'est ni malléable, ni élastique, impossible à produire immédiatement et chaque individu en fait une utilisation totalement inéquitable.
Libérer le temps humain et le réallouer ailleurs dans le but de produire plus avec le moins d’effort possible reste donc la seule définition valide du progrès et de l'économie. L’économie, ce n’est pas seulement économiser la rareté naturelle, mais aussi notre temps et nos efforts. Toute l’histoire récente du progrès technique et technologique peut être vue de cette manière : il est nécessaire de détruire des emplois devenus obsolètes pour en recréer d’autres qui optimisent mieux le temps humain. C’était le cas des machines-outils du 19ème siècle, tout comme d’internet et maintenant de l’IA.
Temps consacré à la création de l’information et de la connaissance
"La production n'est pas un fait physique naturel et externe, mais un phénomène intellectuel et spirituel." J. Huerta de Soto, l'école autrichienne
Libérer le temps humain est essentiel pour le progrès et l’amélioration générale du niveau de vie. Pour les économistes autrichiens, l’économie est avant tout un phénomène intellectuel plutôt qu'un phénomène physique, un processus de découverte humaine plutôt qu’une fatalité matérielle. Le processus économique est avant une question de création, de découverte et d'utilisation de l'information et de la connaissance dans le marché.
Dans son livre, l'École autrichienne, Jesus Huerta de Soto reprend cette idée essentielle du rôle de la connaissance dans le développement du marché en prenant pour exemple l’utilisation du pétrole. Si les réserves pétrolières semblent limitées, rares et finies le progrès qu’elles permettent ne l’est pas. Pourquoi ? Tout simplement parce que le potentiel humain n'est pas limité par les ressources matérielles physiques "des réserves de pétrole" mais par la connaissance, l’ingéniosité et la découverte de nouvelles manières d’utiliser cette ressource : ainsi, "la découverte d’un carburateur qui parviendrait à doubler l’efficience des moteurs à explosion, ayant le même effet économique que la duplication du total de réserves physiques de pétrole."
Finalement, si les nouvelles technologies détruisent des emplois elles permettent ensuite de libérer suffisamment de temps à l’individu pour se concentrer encore plus productive. La meilleure allocation du temps humain permet de créer un maximum d’informations nouvelles qui seront inévitablement bénéfiques pour le collectif. N’est ce pas ça, au fond, le vrai but de la technologie ? Libérer au maximum le potentiel humain en permettant aux individus de concentrer leur temps, leur attention et leur énergie dans les activités vraiment “humaines” ?
Faut-il avoir peur de l’IA ? La question qui se pose est comment l’intelligence artificielle va bouleverser les sociétés et le monde du travail. Il est certain que l’IA détruira un nombre certain d’emplois qui ne seront plus suffisamment productifs par rapport à la quantité de “temps humain” qu’ils demandent. Ce sera le cas des métiers de la création graphique, des programmeurs, des traducteurs etc. Ces métiers disparaîtront, certes, mais les nombreuses opportunités créées par la libération de tout ce temps humain et l’accès universel à l’IA seront conséquentes.
Ceux qui souhaitent freiner le progrès
“Ce n’est pas difficile de faire travailler tout le monde, même (et surtout) dans l’économie la plus primitive. Le plein emploi, l’emploi vraiment intégral, le travail aux heures longues, épuisantes, qui brise les reins, est précisément la caractéristique des nations qui sont le plus retardataires au point de vue de l’équipement industriel.” - Henry Hazlitt
Ceux qui cherchent au contraire à maintenir autant que possible des méthodes obsolètes de production parce qu’elles “réduisent la demande de travail” ne comprennent rien à l’économie. C’était par exemple le cas de Gunnar Myrdal, prix Nobel d’économie. Celui-ci défendait l’idée qu’il fallait rendre le travail le plus “inefficace et improductif possible” dans les pays en développement afin d’occuper cette force de travail immense… Même chose pour l’État qui cherche, par des programmes de subvention, à sauver des entreprises dont le modèle est devenu obsolète. Finalement, ces programmes ne font que créer une garderie immense et volontairement improductive subventionnée par l'État.
Les plus pénalisés seront toujours les consommateurs qui ne profiteront pas des meilleurs produits au meilleur prix, car les étapes de production les plus éloignées de la consommation sont devenues progressivement inefficaces à cause de la mauvaise allocation du capital causée par l’interventionnisme politique. Un interventionnisme politique déterminé à sauver “le plein emploi”, peu importe si celui-ci ne fait pas une bonne utilisation des ressources, des biens intermédiaires et du travail, freine sciemment le progrès et l'amélioration des conditions de vie des individus.
L'IA poussera l'hubris de la Raison humaine encore plus loin et nous connaîtrons certainement une nouvelle vague de planificateurs en tout genre persuadés de pouvoir véritablement planifier l'économie. C’est un Échec et désastre annoncé. Ils ne comprennent pas que l'économie repose sur la création, la découverte et la diffusion de la connaissance et de l'information au sein de la société. Comme le soulignait Hayek, certaines de ces informations ne peuvent être découvertes et ne seront connues que par les individus qui ont un intérêt à les connaitre. L'homme de terrain, the "Man on the spot". L'IA n'aura jamais accès à ces informations qui se décident subjectivement par un individu unique, à un instant T et dans un environnement donné. Ces planificateurs, futurs dictateurs en herbe, tombent dans le même piège que les keynésiens et les interventionnistes d'État depuis un siècle. Ils ne comprennent pas l'économie, pire encore, ils ne comprennent pas l'humain.
En bref …
Le marché est toujours attiré vers un "état final de repos" qui ne sera jamais atteint. Seul le "repos simple" existe, comme la satisfaction d'un besoin. Celui-ci n'est que momentané, le temps qu'un autre besoin n'advienne inévitablement. Il s'agit d'un des arguments des économistes autrichiens pour réfuter les idées qu'un équilibre des marchés et qu'un état final des prix sont possibles. L'homme est homme, agissant sans cesse, jamais satisfait.
L'humain s'occupera toujours, car il déteste l'inactivité. C'est le principe même de l'action humaine, cette attraction pour cet "état de repos" illusoire (Mises) nous pousse à vouloir sans cesse améliorer notre situation présente. La technologie, l'IA etc... ne changeront rien à la vérité fondamentale de cet axiome. Comme disait Blaise Pascal, “Rien n'est si insupportable à l'homme que d'être dans un plein repos, sans passions, sans affaire, sans divertissement, sans application.” Une vision intéressante d’un homme agissant, éternellement insatisfait, pour qui il ne peut exister qu’une infinité de besoins.