Les prix déterminent les coûts
Ce n’est pas une formule simpliste, c’est le bon sens du calcul économique. Pourtant, une erreur fréquente consiste à inverser cette relation.
Les prix déterminent les coûts…
Ce n’est pas une formule simpliste, c’est le bon sens du calcul économique. Pourtant, une erreur fréquente consiste à inverser cette relation.
Lorsqu’un entrepreneur se lance dans la production, il doit d’abord réfléchir au produit ou au service qu’il souhaite proposer aux consommateurs. Le prix de vente final est une boussole qui l’oriente vers l’essentiel : le prix doit correspondre aux préférences du consommateur pour le bien et à la demande générale du marché.
Le prix, fixé par l’entrepreneur sur la base d’analyses de marché, de la concurrence et des prix historiques, oriente ensuite les coûts admissibles dans les différentes étapes de production du bien (intrants, main-d’œuvre, temps, etc.). On comprend ainsi que le processus entrepreneurial est avant tout un jeu d’anticipation, plus qu’une allocation mécanique de ressources. L’entrepreneur doit, comme l’écrivait Israel Kirzner, être constamment dans un état d’alerte et rester vigilant face aux signaux de prix envoyés par le marché. C’est un processus dynamique qui doit sans cesse adapter les coûts aux prix, dans le but de dégager une marge et donc des profits.
Les coûts déterminent les prix.
Si l’entrepreneur raisonnait à l’inverse, en laissant les coûts déterminer les prix, il n’y aurait aucun calcul économique rationnel sur le marché, aucun calcul sensé des coûts d’opportunité des ressources, et donc aucune incitation à l’efficience et à une bonne allocation des facteurs de production rares.
La notion du coût d’opportunité est importante ici. Il s’agit de la meilleure alternative à laquelle nous renonçons, et donc son bénéfice potentiel, quand nous choisissons une option particulière. Le coût d’opportunité l’entrepreneur à hiérarchiser et comparer les usages possibles pour choisir celui dont le rendement global est jugé supérieur, c’est à dire là où l’écart entre le gain attendu et le coût d’opportunité est le plus important. Cette réalité est centrale, car elle guide l’allocation optimale des ressources dans l’économie. En effet, chaque ressources, biens intermédiaires ou travailleurs auxquels l’entrepreneur est libéré pour d’autres usages alternatifs dans l’économie. Tous ces calculs d’allocation orbitent autour d’une chose : le prix final du bien de consommation.
En suivant la logique fausse que « les coûts déterminent les prix », nous nous affranchissons entièrement du calcul des coûts d’opportunité. On pourrait ainsi très bien légitimer des voitures Dacia plaquées or et demander cinq fois le prix qu’un consommateur consentirait à payer pour un SUV d’entrée de gamme. En réalité, on n’approche pas la production d’un SUV entrée de gamme comme on aborde la production d’une voiture de luxe, comme une Lamborghini.
Cette inversion de l’approche du calcul économique chez beaucoup de personnes révèle une profonde incompréhension du processus entrepreneurial, du calcul économique, mais aussi de la notion même de valeur, qui, si les coûts déterminent les prix, peut être objectivée et calculée de manière rationnelle. C’est sur cette erreur de la valeur objective que les économistes classiques ont fondé leur théorie de la valeur. C’est également sur cette erreur que les marxistes s’appuient pour défendre l’idée que le prix et la valeur sont déterminés par le coût du travail des prolétaires.
Or, c’est la connexion entre la valeur subjective perçue par les acteurs économiques (communiquée au marché par le signal-prix) et le calcul des coûts d’opportunité des ressources qui fonde le calcul économique. Toute tentative de rationaliser la valeur uniquement à partir des coûts objectifs nie ce principe fondamental. Le prix n’est pas « découvert » a posteriori, il guide l’allocation des ressources rares. La seule chose que nous découvrons à posteriori est la réussite (profits), ou l’échec (pertes), de ces choix d’allocation.
Concurrence et prix passés
La concurrence joue un rôle essentiel dans le processus dynamique du marché. C’est grâce à elle que les entrepreneurs découvrent de nouvelles façons d’utiliser les informations nouvelles et d’allouer les ressources de manière plus rationnelle dans le système productif. Elle permet par exemple aux entrepreneurs les plus agiles et réactifs d’adapter leurs coûts afin de proposer des biens finis de qualité équivalente à un prix plus faible pour le consommateur. C’est la promesse de marges et de profits plus importants, calculés sur la base d’une baisse des coûts par rapport au prix, qui guide cette action. Pas l’inverse.
C’est un point important : les prix futurs ne sont que des spéculations que l’entrepreneur réalise en se basant sur sa connaissance actuelle des dynamiques du marché et sur la somme des prix passés déjà connus. Tout est tâtonnement, découverte et redécouverte, car tout prend racine dans l’action humaine.
« Si la mémoire de tous les prix passés venait à s’estomper, le processus de fixation des prix deviendrait plus difficile, mais pas impossible en ce qui concerne les rapports d’échange mutuels entre les différentes marchandises. Il serait plus difficile pour les entrepreneurs d’adapter la production à la demande du public, mais cela resterait néanmoins possible. Ils devraient rassembler à nouveau toutes les données dont ils ont besoin pour mener à bien leurs opérations. Ils ne pourraient pas éviter les erreurs qu’ils évitent aujourd’hui grâce à leur expérience. Les fluctuations de prix seraient plus violentes au début, les facteurs de production seraient gaspillés, la satisfaction des besoins serait compromise. Mais finalement, après avoir payé le prix fort, les gens auraient à nouveau acquis l’expérience nécessaire au bon fonctionnement du marché. » - Ludwig von Mises
Faire du calcul économique sans prix passés est en théorie possible, cependant il faudrait redécouvrir chaque coût d’opportunité des ressources en se basant sur des signaux prix très fluctuant du marché. Possible, mais pas idéal. C’est aussi pour cette raison que les prix passés constituent le plus grand héritage qu’une génération reçoit de la précédente. Derrière les prix se cachent finalement la somme des actions humaines passées, l’expérience accumulée de millions d’échanges, qui continuent d’orienter le marché et aident toujours la société à bâtir le progrès futur. Les prix futurs n’existent pas, car l’avenir est incertain ; il n’existe que les prix passés, historiques, qui ne servent qu’à orienter l’action humaine.
Les prix sont donc un héritage collectif, ce sont eux qui permettent aujourd’hui de capitaliser sur les découvertes passées et d’allouer efficacement les ressources sans les gaspiller. C’est pour cette raison que nous comptons sur eux pour anticiper au mieux l’avenir.




