Les dangers du protectionnisme
Le président américain impose une véritable guerre commerciale à la Chine par le biais de taxes douanières. Mais le protectionnisme protège-t-il vraiment les consommateurs du pays “protégé” ?
Récemment, aux États-Unis, nous avons observé le président américain imposer une véritable guerre commerciale au Mexique, au Canada et à la Chine par le biais de taxes douanières. Ces décisions ont été prises au nom du patriotisme économique et de la protection des consommateurs américains. Mais le protectionnisme protège-t-il véritablement les consommateurs du pays “protégé” ?
L’étatisme de connivence
“Le protectionnisme est un corollaire nécessaire de la politique nationale d’ingérence des pouvoirs publics dans les affaires privées.” – Ludwig von Mises
Comme l’ont décrit des économistes tels que Frédéric Bastiat, le protectionnisme favorise uniquement les producteurs qui parviennent à obtenir de l’État une protection légale – et injuste – contre la concurrence naturelle du marché libre international. Cela ne concerne pas tous les producteurs, puisque les taxes douanières impactent différemment et inéquitablement les produits importés. Ces taxes peuvent cibler des secteurs industriels précis (comme la métallurgie allemande), des pays spécifiques ou certains biens de consommation. Le protectionnisme favorise avant tout un système de connivence entre les entreprises nationales et l’État.
Ce système est souvent appelé à tort “capitalisme de connivence”, alors qu’il s’agit d’une connivence initiée par la force publique et ses interventions dans l’économie. De ce fait, les termes “étatisme de connivence” ou “socialisme de connivence” seraient bien plus appropriés. Il n’est pas rare de voir, dans de telles situations, de véritables cartels se former, réclamant toujours plus de faveurs au gouvernement.
Un exemple historique bien connu est celui de l’économie du Japon impérial, dominée par les zaibatsu, des conglomérats industriels d’origine familiale qui ont contrôlé l’économie nippone entre le début de l’ère Meiji en 1868 et la fin de la Seconde Guerre mondiale. Leur influence sur le gouvernement japonais était considérable, au point d’orienter profondément les décisions politiques et militaires. Une réalité à ne pas oublier : ce pouvoir immense leur a été octroyé par le gouvernement, ce qui a conduit ces entreprises à abuser de cette relation de connivence et de corruption avec l’État.
Le consommateur, le grand perdant du protectionnisme
“Les tarifs douaniers et le contrôle des changes avec l’étranger constituent exactement les moyens d’empêcher l’importation de capital, et donc de freiner l’industrialisation dans le pays. La seule voie pour accroître l’industrialisation est d’avoir plus de capital. Le protectionnisme ne peut que détourner les investissements d’une branche d’activité vers une autre.” – Ludwig von Mises
Dans les pays concernés, le protectionnisme maintient en vie des entreprises dont la production par unité d’intrant est moins efficace qu’ailleurs. Il détourne également les capitaux étrangers vers des juridictions moins corrompues. Le consommateur est alors doublement pénalisé par les politiques protectionnistes. Tout d’abord, il a un accès limité à des produits disponibles en grande quantité et à moindre coût sur le marché mondial, qu’il doit payer plus cher. Ensuite, les produits nationaux, qu’on l’incite à acheter en priorité, ne sont pas toujours les alternatives les plus qualitatives ou les moins onéreuses disponibles sur le marché libre global.
Le consommateur est donc contraint de choisir une alternative qu’il n’aurait pas retenue dans une économie libre. L’échange volontaire, base essentielle du calcul économique déterminant les prix libres, est alors totalement faussé. Plus globalement, c’est l’ensemble du signal-prix et du calcul économique, enfermés par la contrainte légale dans un marché protectionniste, qui perd tout son sens.
En fermant le marché au reste du monde, le protectionnisme n’apporte que très peu, voire aucun, nouveau capital au pays « protégé » et freine sa croissance. Pourquoi ? Tout simplement parce que le capital que les individus auraient économisé en achetant des produits étrangers moins chers ne sera jamais utilisé pour d’autres projets. Toutes ces utilisations alternatives du capital, toutes ces opportunités et ces potentiels, sont perdues à jamais. C’est le sophisme de la vitre brisée de Bastiat : ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas.
Protectionnisme vs libéralisme
“Le libéral pense autrement. Il est convaincu que la guerre victorieuse est un mal, même pour le vainqueur, et que la paix est toujours préférable à la guerre. Il n’exige aucun sacrifice de la part du plus fort, mais seulement qu’il prenne conscience de ses véritables intérêts et qu’il apprenne à comprendre que la paix est pour lui, le plus fort, tout aussi avantageuse que pour le plus faible.” – Ludwig von Mises
Un autre effet néfaste du protectionnisme est qu’il accroît l’hostilité des étrangers, augmentant les tensions entre les États et, inévitablement, entre les individus. Comme l’écrivait Mises, le protectionnisme est fondamentalement “une philosophie de guerre”. Une idée déjà exprimée par Bastiat, qui affirmait à juste titre : “Si les biens ne franchissent pas les frontières, les armées le feront.” Dans la pensée libérale classique et autrichienne, le but du libéralisme est de maximiser la coopération entre les individus en élargissant toujours plus le marché et en protégeant les droits individuels. Cela permet d’accroître les opportunités en divisant davantage le travail et en accentuant la spécialisation des compétences.
Un autre objectif du libéralisme est l’amélioration progressive du niveau de vie des individus et le progrès technologique. C’est pourquoi, pour les économistes autrichiens, la liberté économique est la première des libertés. Sans elle, les libertés d’échanger, de circuler ou d’opinion ne pourraient s’exercer pleinement. Défendre la liberté économique, c’est donc défendre toutes les libertés. Le marché libre et le progrès peuvent être vus comme un moyen d’abattre les frictions pour libérer au maximum le potentiel, l’ingéniosité et la créativité humaine.
Dans une organisation sociale basée sur la libre coopération interindividuelle, il est aisé de comprendre que les individus ont tout intérêt à préserver la paix entre eux plutôt que de sombrer dans la guerre et la prédation – deux méthodes d’acquisition des ressources bien plus archaïques et inefficaces, même pour l’État ou l’individu qui sort vainqueur de ces confrontations.