Le système des prix, un réseau essentiel de communication
Dans son célèbre article de 1945 "L'utilisation de l'information dans la société", Friedrich Hayek explore l'importance du système des prix comme réseau distribuant l'information auprès des individus.
Pour l’économiste Friedrich A. Hayek, le prix est un signal, il informe et oriente les décisions économiques sur le marché. Le prix contribue aussi fortement au maintien de ce que Hayek appelait l'ordre étendu, cet ordre social spontané mis en place naturellement par les hommes dans le but de se coordonner et de coopérer le plus efficacement possible, ce qui n’est rien d’autre que le capitalisme. Hayek a beaucoup écrit à ce sujet, je vous ai sélectionné quelques passages de son célèbre article “L’utilisation de la connaissance dans la société” publié en 1945 qui constitue à bien des égards l’article économique le plus important du 20ème siècle. Dans cet article se trouve également un exemple assez connu qui permet d’illustrer simplement comment le prix agit comme un signal permettant au marché d’allouer plus effiacement les ressources.
Le système des prix, ce que Hayek appelait le "signal prix", un réseau de communication complexe et crucial qui condense des informations sur les envies et besoins de millions d'individus. Dans l’idée hayékienne de l’information, celle-ci n’est à la fois jamais disponible à l’ensemble des individus ni à l’individu “sur le terrain”. L’information est toujours incomplète, imparfaite et sans cesse changeante. De ce fait, toutes les décisions économiques des individus ne sont au final que des spéculations.
Nous devons considérer le système des prix comme un mécanisme de communication de l'information si nous voulons comprendre sa fonction réelle — fonction qu'il assure évidemment de moins en moins parfaitement au fur et mesure que les prix deviennent de plus en plus rigides.
L'aspect le plus significatif de ce système est l'économie de connaissance qu'il permet, ou, ce qui revient au même, le peu de connaissance dont les participants ont besoin pour pouvoir prendre la mesure qui s'impose. En bref, pour raisonner par analogie, l'information la plus essentielle est transmise uniquement aux agent concernés.
La mine d’étain de Hayek
Dans une économie de marché, le système des prix agit comme un vecteur d’information pour les individus et les aiguille constamment dans leurs décisions. Dans l’idée hayékienne de la connaissance et de l’information, les acteurs économiques n’ont ainsi pas besoin d’avoir à leur disposition l’ensemble de l’information pour réagir convenablement à celle-ci, le prix lui seul suffit pour diriger les forces du marché dans la bonne direction.
Le prix forme un signal auquel nous réagissons, il indique les opportunités à saisir mais aussi les voies alternatives à explorer pour arriver à nos fins. Plus les prix sont décidés librement, plus l’utilisation de l’allocation du capital est efficace.
C’est tout le sens du célèbre exemple de la mine d’étain utilisé par Hayek dans son article de 1945 “L’utilisation de l’information dans la société”.
“Supposons qu'apparaisse dans le monde une nouvelle opportunité pour l'utilisation d'une matière première, par exemple l'étain, ou qu'une des sources de production de l'étain ait disparu. Il importe peu pour notre propos — et il est significatif que cela importe peu — de savoir laquelle de ces deux causes a rendu l'étain plus rare. Tout ce que les utilisateurs d'étain ont besoin de savoir, c'est qu'une partie de l'étain qu'ils consommaient jusqu'alors est maintenant utilisée de manière plus profitable ailleurs et qu'en conséquence, ils doivent économiser l'étain. La plus grande majorité d'entre eux n'a pas même besoin de savoir où la demande supplémentaire est apparue, ou en faveur de quelle autre utilisation il doit y avoir réduction de l'offre.
Si une partie d'entre eux seulement connaît directement la nouvelle demande et y affecte des ressources, et si les agents qui sont conscients du nouveau déséquilibre ainsi apparu le comblent avec d'autres ressources, le processus s'étendra rapidement à l'ensemble du système économique et influencera non seulement tous les usages de l'étain, mais aussi ceux de ses substituts et des substituts de ses substituts, l'offre de tous les produits faits à partir de l'étain et celle de leurs substituts, et ainsi de suite, et ce, sans que la grande majorité de ceux qui seront à l'origine de ces substitutions sache quoi que ce soit de la cause première de ces changements.
Cet ensemble joue comme un seul marché, non pas parce que chacun de ses membres étudie son propre environnement, mais parce que les champs de vision individuels limités se recouvrent suffisamment, de telle sorte qu'à travers de nombreux intermédiaires, l'information en cause est communiquée à tous. Le simple fait qu'il y a un prix pour chaque bien — ou plutôt que les prix locaux sont connectés entre eux pour tenir compte du coût de transport, etc. — détermine la solution qui (d'un pur point de vue intellectuel) aurait été celle à laquelle un agent unique serait arrivé en possédant toute l'information qui est en fait dispersée entre tous les agents impliqués dans ce processus.”
Le système des prix est vu alors comme un réseau de communication complexe, organique, qui se décide librement et quotidiennement au sein du marché. Manipuler ces signaux revient à manipuler et fausser l’ensemble de l’économie en donnant aux acteurs économiques, consommateurs et entrepreneurs, de mauvais signaux sur l’état réel de l’économie.
Dans la tradition de Hayek, manipuler les prix revient tout simplement à jouer à Dieu. En somme, c’est l’arrogance de penser pouvoir disposer du même niveau de connaissances et d’expériences que les millions individus libres composant une société. Afin de manipuler le jeu économique, les autorités centrales partent d’un postulat biaisé, d’une “présomption fatale” : Celle d’être omniprésentes, omniscientes et omnipotentes en toute chose. Comme le développera Hayek dans ses dernières oeuvres, la conséquence logique d’un tel hubris des gouvernants est la remise en cause de la liberté même des individus constituant la société.