Le mythe du “salaire différé”
Le concept de “salaire différé” n’est qu’un habillage rhétorique destiné à masquer une réalité bien différente : la dépossession de la propriété et de la liberté.
Dans le grand théâtre politique, les mots sont souvent les premières victimes des idéologies collectivistes. L’un des exemples les plus frappants aujourd’hui est l’expression “salaire différé”. Cette expression révèle à elle seule la manière dont le langage peut être manipulé pour servir des desseins politiques. Friedrich Hayek, dans son ouvrage majeur “La Route de la Servitude”, avait déjà mis en garde contre cette dérive trop souvent utilisée par les collectivistes de tous bords :
“Le moyen le plus efficace d’amener les gens à accepter la validité des valeurs qu’ils doivent servir est de les persuader que ce sont vraiment les mêmes que celles qu’ils ont toujours soutenues, mais qui n’avaient pas été correctement comprises ou reconnues auparavant. Et pour cela, la technique la plus efficace est d’utiliser les vieux mots mais de changer leur signification.”
Cette dérive est de tout simplement prendre les mots et expressions pour en vider totalement le sens. Traditionnellement, la liberté est le premier mot à être manipulé puisqu’elle est la plus grande ennemi des mouvements collectivistes pour qui toute solution individuelle doit être proscrite en faveur de la solution collective proposée par le mouvement.
Le salaire : symbole de propriété et de liberté
Comprenons bien la nature du salaire. Il est la contrepartie que nous acceptons librement pour le temps et l’énergie investis dans un travail. Nous acceptons le salaire car nous acceptons tacitement la représentation symbolique, sous sa forme monétaire, de cette énergie et de ce temps dépensés que nous pourrons nous-mêmes dépenser à notre tour dans le temps (en différant leur utilisation) et dans l'espace (en diffusant leur utilisation) comme bon nous semble.
Le salaire est donc une extension de la propriété individuelle car le travail lui même fonde la propriété. C’est ici toute la tradition lockéenne (John Locke) démontrant que la propriété trouve toujours son origine dans le travail. Une propriété individuelle
En ce sens, le travail et le salaire nous libèrent et la monnaie est elle-même par nature un instrument de liberté. En effet, la monnaie nous permet de transcender les contraintes du temps et de l’espace. Elle nous offre la possibilité de choisir quand, où, et comment nous souhaitons utiliser le fruit de notre labeur. Une prouesse qu'aucun autre bien sur le marché n'est capable de nous donner aussi assurément.
Disposer de son salaire, c’est être libre
La liberté, c’est précisément cela : pouvoir faire ce que l’on veut de ce que l’on a, dépenser son argent pour soi-même, au moment et à l’endroit de son choix. C’est ainsi que l’argent est, selon toute logique, le mieux utilisé : par celui qui l’a gagné, pour ses besoins propres. Ce principe simple est au cœur de la prospérité individuelle et collective.
“Les salariés ne sont plus des personnes qui travaillent simplement pour le bien-être d'autrui. Ils sont eux-mêmes les principaux consommateurs des produits fabriqués dans les usines. Les grandes entreprises dépendent de la consommation de masse.” - Ludwig von Mises
Cette possibilité de disposer de son salaire selon ses propres choix est la base de propriété et une condition essentielle de la liberté politique et individuelle. L’État, en s’arrogeant le droit de différer ou de redistribuer une partie du salaire, porte ainsi non seulement atteinte à la propriété privée des individus mais aussi à cette liberté économique.
Le “salaire différé” : un détournement sémantique
Or, l’idéologie collectiviste s’attaque à cette liberté en s’appropriant une partie du salaire des individus via l’impôt, pour le rebaptiser “salaire différé”. Ce tour de passe-passe sémantique est une manipulation des mots et des concepts. Comme l’expliquait Hayek, il s’agit de donner l’illusion d’une continuité avec les valeurs traditionnelles, alors qu’il n’en est rien. Ainsi les esprits “mal formés et crédules” trouveront là un discours logique et qui semble avoir un sens, mais il n'en est rien. C'est même tout le contraire de cela. Un salaire dont vous ne pouvez pas jouir comme bon vous semble, immédiatement pour échanger avec qui bon vous semble, n'est donc pas un salaire.
Un autre mensonge est que le “salaire différé”… n’est pas “différé” : il est utilisé immédiatement pour redistribuer la richesse des individus productifs vers ceux qui ne le sont pas. Le concept de “salaire différé” n’est qu’un habillage rhétorique destiné à masquer une réalité bien différente : la dépossession d’une part de la liberté individuelle au profit d’un collectif abstrait.
La bataille des idées commence souvent par la bataille des mots. Il est essentiel de rester vigilant face à ces manipulations sémantiques, qui cherchent à faire passer des atteintes à la liberté individuelle pour des avancées sociales. Comme le rappelait Hayek, la liberté ne se négocie pas : elle se défend, y compris dans le choix des mots que nous utilisons pour la penser et la protéger.