La quête de la Vérité
"Il faut une bien plus grande force et indépendance d'esprit pour adopter une vision critique de ce qu'on vous a appris à considérer comme progressiste que de simplement les accepter.” - Hayek
Comme l’écrivait Hayek :
“Rien n'est plus nuisible à l'honnêteté intellectuelle que la fierté de ne pas avoir changé d'opinion – en particulier si ces opinions sont considérées comme "progressistes" ou "avancées" ou simplement modernes. Vous découvrirez bientôt que ce que vous considérez comme des opinions particulièrement avancées ne sont que les opinions dominantes de votre génération particulière et qu'il faut une bien plus grande force et indépendance d'esprit pour adopter une vision critique de ce qu'on vous a appris à considérer comme progressiste que de simplement les accepter.” - Friedrich Hayek
Il faut en effet un bien plus grande "force et indépendance de l'esprit" pour être critique de l'éducation que nous avons reçu que de simplement l'adopter, toute dominante, progressiste et prétendument "avancée" qu'elle soit.
Vérité vs Consensus
Ce sont d'ailleurs les deux grandes tendances qu'on observe dans la société : d'un côté, ceux pour qui la recherche de la vérité prime sur le confort et la sécurité, et de l'autre, ceux pour qui le consensus, même mensonger, est préférable à l'inconfort et à l'insécurité.
Pour des auteurs comme Carlyle et Kuehnelt-Leddihn, c'est d'ailleurs ce qui sépare la gauche et la droite, le libéral et le collectiviste. L’éthique libérale, individualiste et souvent conservatrice, s’engage dans une quête de la vérité, à l'opposé du conformisme du collectiviste, souvent aligné sur les modes idéologiques passagères et éphémères.
Par exemple, comme l’écrivait Kuehnelt-Leddihn dans son livre “Liberty or Equality”, être de droite, c'est privilégier les principes intemporels et une relation avec l'éternité plutôt que de se conformer à la dernière mode du moment. Une mode souvent trop fluctuante qui n’arrive jamais à répondre convenablement aux grandes questions de notre temps, en raison de son manque de réelle profondeur intellectuelle et spirituelle. L'homme de droite véritable veut découvrir ce qui est éternellement vrai et valable en tout temps. Il peut ainsi paraître réactionnaire, mais cette tendance est toujours une tentative de retrouver le vrai et de le restaurer.
Thomas Carlyle disait par exemple que dans l'histoire, les grands hommes se sont toujours appuyés sur le réel et la vérité, et non sur un quelconque « consensus », pour accomplir leurs œuvres. C’est pour cette raison qu’il existe une tension dans tout homme libéral et conservateur : celle entre la tradition et le progrès. Le vrai libéral conservateur ne glorifie donc pas la tradition et ne rejette pas la modernité par principe. Au contraire, il évalue sans cesse la nouveauté à l'aune de sa conformité au réel. N’est-ce pas là l'un des objectifs du progrès ? Rendre notre quête de l'éternel et du vrai plus efficace, et nous permettre de comprendre davantage le monde dans lequel nous évoluons ?
Cela n'est pas un simple attrait primaire pour un passé glorifié, poussiéreux et obsolète. Par exemple, l’homme libéral et de droite refusera les institutions du passé si celles-ci s’avèrent fausses, tout comme il acceptera la modernité si celle-ci s'appuie sur le réel et le vrai. Ainsi, dans sa constante quête de la vérité, l'homme de droite est toujours tiraillé entre l'attrait pour les institutions du passé, issues de comportements humains spontanés, regorgeant de “vrai”, et l'attrait optimiste pour la modernité qui, quant à elle, nous permet d’approcher davantage de ce qui est vrai.
La méfiance envers le consensus démocratique et la “tyrannie de la majorité”
"Je ne connais rien de plus contraire à l'esprit de la liberté que ces majorités tyranniques." - Alexis de Tocqueville
Si la recherche de la vérité ne peut se faire qu’à titre individuel, que penser des systèmes politiques qui favorisent le choix et la décision collective ? Comme l’expliquait Tocqueville dans son livre “De la démocratie en Amérique”, les dangers de l'égalitarisme démocratique, notamment ce qu’il appelait “la tyrannie de la majorité”, se heurte inévitablement avec la liberté individuelle. La vraie minorité, l’individu, se retrouve happée par la majorité qui s’impose à lui en toute légalité.
En effet, selon Tocqueville, dans les démocraties, la pression sociale et politique exercée par la majorité peut imposer un conformisme intellectuel à l’ensemble de la population d’un territoire donné, minorités comprises. Le risque d’une telle dérive est bien entendu de rendre la vérité plus difficile à atteindre puisque c’est le consensus qui prime.
Face à cela, Tocqueville s’appuie sur trois piliers : la liberté, la décentralisation et la tradition. Il valorise les libertés individuelles et la décentralisation comme solution face à la centralisation et au collectivisme. Il reconnaît également que les traditions et les institutions héritées, issues de l’action humaine et des comportements spontanés des individus, ancrent la société dans des principes stables et intemporels. Des principes vrais en soi qui contribuent à faciliter une recherche de vérité plus efficace puisqu’ils gomment l’incertitude inhérente au système politique démocratique et les dangers tyranniques que pose ce système.
L’entropie du courtermisme démocratique
"Puisque nous avons compris l’inséparabilité de la démocratie et du socialisme, nous nous appelons social-démocrates." - Wilhelm Liebknecht
L’un des principaux inconvénients de la démocratie est le courtisme politique causé par le renouvellement très rapide de ses dirigeants. Dans un tel système, l’élection (ou la réélection) est ce qui importe réellement pour l’élite. L’électoralisme est égoïste et court-termiste : il n'a aucune considération pour le temps long et a un horizon temporel qui ne dépasse pas sa propre personne. Il sacrifie ainsi, très volontiers, l'obligation de continuité historique, que nous devons à ceux qui ne sont plus là, ainsi que la responsabilité envers l’avenir, que nous devons à ceux qui ne sont pas encore nés. Dans la même logique, ce système accroît l’entropie, cette incertitude et dissipation contre lesquelles l’action humaine se bat en permanence. En sabordant le peu de certitude politique que les individus peuvent placer dans l’avenir, ce système contribue à déconstruire les conditions nécessaires pour que les individus puissent se lancer individuellement dans la quête de vérité, à savoir un cadre stable et garanti que nous n’avons pas besoin de questionner à chaque génération.
À l'inverse, depuis la Révolution française, les mouvements collectivistes adoptent une approche constructiviste et rationaliste, selon laquelle les normes sociales, les comportements et les traditions ne sont que des constructions conscientes et délibérées, qui peuvent donc être déconstruites et remodelées à volonté. Selon eux, il ne peut y avoir aucune vérité ni aucune certitude intertemporelle dans les institutions issues des comportements libres des individus. Le culte de la “Raison” de ces mouvements ne peut finalement accoucher que d’une pensée stérile, qui ne voit dans l'humain que le produit de constructions sociales arbitraires. Cela entraîne nécessairement un appauvrissement de la compréhension de l'humain dans son ensemble. En bref, Il n'y a pas pire antihumanisme que le constructivisme.
La liberté d’expression comme moyen de découvrir la vérité
“Il est vain de combattre le totalitarisme en adoptant des méthodes totalitaires. La liberté ne peut être conquise que par des hommes inconditionnellement attachés aux principes de la liberté. La première condition d'un meilleur ordre social est le retour à une liberté de pensée et d'expression sans restriction.” - Ludwig von Mises
Comme l'écrivait Hayek, le collectiviste s'adapte à n'importe quelle situation, évite habilement la vérité et parvient à justifier l'injustifiable, car selon lui, la fin (le pouvoir) justifie les moyens. C'est d'ailleurs ce qui caractérise l'éthique collectiviste dans son ensemble et la différencie de l'éthique individualiste et libérale, selon laquelle la fin ne justifie pas les moyens. Pour le collectiviste, la vérité est souvent un obstacle à son idéologie. C'est pour cette raison, selon Hayek, que les mouvements collectivistes s’attaquent en priorité aux mots et aux concepts afin d’en détourner leur sens. Ainsi, chaque droit naturel, comme la liberté et la propriété, est totalement vidé de son caractère individuel pour être “collectivisé”.
C’est également pour cette raison que la liberté d’expression est énormément restreinte dans des régimes fortement étatisés et collectivisés. Il faut en effet éviter l’émergence de contre-modèles mais aussi masquer l’inefficacité du modèle économique collectivité comparé à son alternative : le marché libre.
En effet, pour les économistes autrichiens, la liberté d’expression est nécessaire pour l’économie car elle libère l'information et permet d’analyser les résultats et de retenir uniquement ce qui fonctionne, par le jeu des profits et des pertes, et ce qui est plébiscité par le consommateur. En résumé, ce qui “vrai” car correspondant pleinement à l’action humaine. La création, la découverte et l'utilisation de l'information sont la base du processus économique, de l'action entrepreneurial et du développement civilisationnel. La liberté économique parfaite ne peut donc pas exister sans une libre circulation des connaissances, de l'information et des opinions au sein de la société.
"Le moyen le plus efficace d’amener les gens à accepter la validité des valeurs qu’ils doivent servir est de les persuader que ce sont vraiment les mêmes que celles qu’ils ont toujours soutenues, mais qui n’avaient pas été correctement comprises ou reconnues auparavant. Et pour cela, la technique la plus efficace est d’utiliser les vieux mots mais de changer leur signification." - Friedrich Hayek
Politiquement c’est la même chose, en abandonnant progressivement la liberté d'expression à leurs adversaires politiques, par exemple en fuyant le débat ou en censurant les réseaux sociaux, les collectivistes abandonnent la seule chose qui importe réellement dans la vie : la quête de la vérité qui émerge inévitablement de la grande bataille des idées. C’est pour cette raison que la défaite de ces mouvements est toujours assurée, car entre l'idéologie et la vérité, une seule des deux survivra toujours à l'autre.
C’est précisément pourquoi, pour tout individu s’intéressant à la politique la constance des idées et des valeurs est la meilleure qualité qu'un politicien puisse avoir. Une personne dont les valeurs changent aussi facilement et rapidement que les modes du temps n'a, par définition, aucune morale.