Contre la collectivisation du désastre
La “collectivisation du désastre” doit être dénoncée. Face à la crise inévitable qui adviendra, il peut exister qu’une seule vision cohérente : responsabilité et de la souveraineté individuelles.
Le 3 juillet dernier, le Premier ministre, François Bayrou, s'est exprimé sur BFMTV au sujet de l'état préoccupant des finances publiques et des solutions que le gouvernement envisage pour y remédier. Selon lui, il faut :
"Trouver des arrangements, car l’état actuel des choses est si dangereux et si dramatique qu'on est en situation de danger extrême. Beaucoup de Français l’ont entendu, mais beaucoup ne croient pas que cela les concerne. Ils ne veulent pas que cela les concerne. Il reste une option possible : affronter courageusement la situation et proposer un chemin sur plusieurs années pour parvenir à un certain équilibre des finances publiques."
Cette déclaration rappelle une autre prise de parole du Premier ministre, le 15 avril dernier, dans laquelle il comparait l’endettement actuel du système à un endettement collectif des citoyens français. C'était comme si "chaque Français, qu'il soit né récemment ou qu'il soit avancé en âge, devait à sa banque près de 50 000 euros." Une manière imagée d'expliquer que la dette de 3 300 milliards d'euros que l'État doit rembourser est finalement la dette de tous les Français.
Derrière ces tournures de phrase, il s'agit surtout de tenter de collectiviser le désastre en faisant passer la faillite de quelques-uns pour une responsabilité partagée de tous. Cette tentative doit être dénoncée.
Le mythe de la richesse collective
Le principe même de "responsabilité collective" est un non-sens absolu. La responsabilité ne peut s'exercer qu'à titre individuel, tout comme la liberté, la pauvreté et la richesse, qui ne peuvent être que des réalités individuelles, jamais collectives.
Comme l'explique Mises dans L'Action humaine, l'approche individuelle est la seule manière d'aborder la souveraineté et la richesse, des concepts trop souvent pervertis et "collectivisés" : "La richesse d'une nation n'est rien d'autre que la somme des richesses des individus qui la composent. Autrement dit, un "pays" ne peut être ni riche, ni pauvre, ni endetté. Seuls les individus qui y vivent le sont, ou ne le sont pas."
Nous comprenons donc qu'il ne peut exister ni richesse collective, ni pauvreté collective. "La richesse des Nations" n’est qu’un agrégat de richesses individuelles hétérogènes, et non une entité autonome et homogène.
Les problèmes d'endettement excessif, de pauvreté et de perte de liberté ne peuvent être que des réalités subies individuellement. Nous en faisons l'expérience tous les jours : jamais nous n'apprécions notre "richesse" ou notre "pauvreté" à titre collectif, en dehors du premier cercle de sociabilité qui soit : la famille. Finalement, seule la souveraineté individuelle compte, car, comme nous l'enseigne la longue tradition du libéralisme classique, l'individu est le seul acteur véritablement souverain dans le marché et la société.
L’individu souverain
Récemment, un article de FranceInfo reprenant les avertissements du ministre de l’Économie titrait que "le montant de la dette risque de poser un problème de souveraineté pour la France", car en 2025, la charge de la dette française atteindra 67 milliards d'euros, un montant supérieur au budget de la Défense, par exemple. Mais cette souveraineté collective de la France existait-elle vraiment ?
En cas de crise majeure de la dette française et de mise en place d'une répression financière par l'État, tous les Français n'affronteraient pas la crise de la même manière. Les plus exposés, c'est-à-dire ceux qui possèdent de l'épargne en euros, dans des livrets réglementés ou dans des fonds en euros d'assurance vie, subiront la crise de manière plus certaine que les autres.
Quant à ceux dont le patrimoine se trouve dans des actifs n'étant pas en lien direct avec l'État, comme des actions, de l'or ou du bitcoin, ils s'en sortiront mieux. Individuellement, la situation de chaque Français est donc différente. De ce fait, il est donc normal pour certains de "ne pas se croire ni se sentir concerné" par les conséquences de la mauvaise gestion de l'État, car leurs choix personnels les ont mieux préparés.
Cela signifie-t-il pour autant que ces individus sont égoïstes et indifférents au sort des autres ? Non, bien entendu. En se protégeant eux-mêmes et leur capital contre la mauvaise gestion des finances publiques et l’inévitable crise qui adviendra, ces individus se positionnent, consciemment ou non, comme les acteurs clés qui contribueront à la reconstruction. N'oublions pas que cette somme d'intérêts personnels, en apparence égoïste, rejaillit de manière bénéfique sur le collectif.
La souveraineté "collective" n’existe pas, elle n’est rien d’autre qu’un fiction utilisée pour justifier des politiques interventionnistes ou des mesures de répression financière, comme des taxes ou des restrictions sur l’épargne.
Conclusion
La “collectivisation du désastre” que souhaite mettre en place l’autorité publique doit être dénoncée. Face à la crise inévitable qui adviendra, il ne peut exister qu’une seule vision cohérente : celle de la responsabilité et de la souveraineté individuelles. En dissipant la responsabilité de la dette publique sur l’ensemble des citoyens, le politique cherche à la fois à masquer ses véritables responsabilités et à préparer la mobilisation inévitable de l’épargne des individus.
N’oublions pas que la liberté, la propriété et l’intérêt personnel de chacun à mener sa vie comme il l’entend sont les meilleurs remparts contre les crises, car ils rendent l’individu véritablement souverain, c’est-à-dire résilient face aux crises. Les Français qui se prémunissent contre la crise ont donc le droit de ne pas vouloir être "concernés" par la situation actuelle "dangereuse et dramatique". Une situation pour laquelle ils ne sont en rien responsables. Ils ne sont pas égoïstes, mais des acteurs rationnels dont les choix bénéficieront, à terme, à l’ensemble de la société. Comme toujours, cette réalité, pour le moment invisible, ne pourra être appréciée qu'a posteriori.