Bitcoin vs Or, lequel est le plus rare ?
Bitcoin est souvent comparé à l'or. La comparaison est-elle justifiée ? Focus sur le régime d’émission et la rareté des deux actifs
Régime d’émission et inflation de l’Or
L’or est la valeur refuge par excellence pour les investisseurs voyant en lui un moyen de se prémunir, d’hedger, l’inflation et les conséquences néfastes de celle-ci sur l’épargne. Supposément rare, difficile à extraire et à raffiner, il a tout pour maintenir sa valeur efficacement dans le temps. Mais qu’en est-il vraiment ? L’or est-il la meilleure réponse, la meilleure réserve de valeur face aux politiques inflationnistes ?
En quelques chiffres, le stock aurifère actuel au niveau mondial est évalué à environ 190.000 tonnes avec un ajout constant de 2.500 à 3.300 tonnes tous les ans depuis le début de la décennie 2010. Avec ces données l’inflation annuelle des réserves mondiales d’or peut confortablement être estimée entre 1,50% et 2%. Si ces données sont relativement stables et prévisibles, elles peuvent fluctuer en fonction du jeu géopolitique comme depuis 2018 avec des pics notables des extractions aurifères russes et chinoises.
Si la production n’augmente que très légèrement sur ces dix dernières années, ce n’est pas le cas si nous prenons une période plus longue. Entre 1980 et 1993, la production mondiale d’or a en effet bondi de 1.200 tonnes/an à 2.300 tonnes/an, une augmentation de plus de 90% des extractions annuelles en seulement 13 ans. En prenant encore plus de recul, les réserves d’or mondiales sont aujourd’hui sept fois plus importantes qu’en 1910, quand les monnaies des grandes puissances mondiales étaient encore basées sur l’étalon-or. Pour ce qui est de la production annuelle, elle est quant à elle 5 fois plus importante aujourd’hui !
La présumée rareté de l’or
l’Humanité ne manquera jamais d’or. Il n’est pas rare, ses stocks ne sont pas finis et sa quantité totale demeure quant à elle inconnue. Des nouveaux filons aurifères sont régulièrement découverts sur Terre, et ailleurs. D’autres métaux comme le Palladium ou le Rhodium sont plus rares, il font d’ailleurs partie, contrairement à l’or, de la liste des terres rares. La désirabilité de l’or ne provient pas de sa rareté présumée, elle est avant tout liée à sa faible production annuelle comparée aux stocks déjà accumulés depuis plusieurs millénaires.
Pour comprendre cette idée essentielle il faut se pencher sur la notion du Stock to Flow (S2F), principe économique permettant de calculer efficacement la rareté d’un actif. Ce calcul tient compte des réserves déjà existantes (stock) d’un actif ramenées à sa production annuelle (flow). L’idée, simple ici, est qu’un actif est considéré comme rare plus sa production annuelle est faible comparée aux stocks déjà existants.
En d’autres termes, plus le renouvellement du stock complet (ou le doublement de celui-ci) prend du temps, plus l’actif est considéré comme peu abondant, voire rare. Ce temps passé à doubler le stock de l’actif forme le ratio S2F. C'est rapide pour des monnaies fiat à forte inflation, moins pour un actif comme l'argent, encore moins pour l'or.
Dans le cas de l’or, par exemple, il faudrait 63 ans, avec une production annuelle de 3.000 tonnes, pour remplacer (ou doubler) la totalité des réserves mondiales estimée aujourd’hui à 190.000 tonnes. Le ratio S2F est donc de 63. Pour l’argent, le ratio est de 22.
La production aurifère annuelle est donc relativement faible par rapport à la quantité globale d’or déjà extraite, donnant ainsi à l’or son aspect de rareté relative. Sa longue exploitation et son utilisation historique comme réserve de valeur lui ont donné son principal avantage qui peut paraître paradoxal aujourd’hui : la création d’une réserve mondiale d’or abondante.
“La rareté ou d’abondance absolue. Il s’agit de la quantité de nouvelle production par rapport aux stocks existants. Le platine a été découvert récemment, les stocks accumulés sont donc minimes par rapport à l’or. La nouvelle production peut augmenter rapidement et réduire les prix.” S. Ammous
La question de la valeur de l’or porte donc essentiellement sur notre capacité à en produire. La technologie, la technique, l’énergie et le temps requis pour identifier les gisements, extraire le métal (cyanuration, amalgamation) et le raffiner sont les fondements sur lesquels repose une partie de la valorisation de l'industrie minière aurifère.
Il en est de même, inévitablement, pour la valeur et le prix de l’or qui intègre cette difficulté technique, ce temps et cette énergie dans l’appréciation financière de l’actif. Révolutionner un de ces paramètres, découvrir un nouveau filon inattendu, et c’est la “valeur” même de l’or qui est remise en question. Sur la durée, le régime d’émission de l’or demeure donc imprévisible.
La vraie rareté n’existant pas, il fallait la créer : Bitcoin
Pour Bitcoin, deux règles simples viennent solutionner l'imprévisibilité du régime d’émission de l’actif sur la durée : en premier lieu la rareté inhérente du Bitcoin avec son nombre fini, fixée à 21 millions dès sa création par Satoshi Nakamoto, et au halving, un évènement majeur et récurrent ayant lieu sur la blockchain. Associées, ces deux règles forment l’approvisionnement contrôlé (controlled supply) de Bitcoin.
Ce halving (réduction de moitié) est un événement périodique diminuant de moitié le nombre de bitcoins (BTC) créés lors de la génération d’un nouveau bloc par les mineurs. Il a lieu tous les 210.000 blocs minés sur la blockchain et, à raison d’un bloc miné toutes les 10 minutes, se produit tous les quatre ans. Il est important de rappler que le halving ne rend pas Bitcoin plus rare, il l’est déjà. Bitcoin devient plus “dur”, son régime d’émission devenant plus faible.
A l’origine, la résolution d’un bloc ajoutait 50 BTC à la supply total. La récompense est actuellement de 6.25 BTC et diminuera en 2024 à 3.125 BTC. Ces cycles de halving continueront encore pendant de nombreuses décennies tant que l’ensemble des 21 millions de bitcoins ne seront pas minés. A l’heure actuelle environ 19.5 millions de bitcoins existent.
Dans le cycle actuel, la génération de nouveaux bitcoins par bloc (6.25 bitcoins toutes les 10 minutes) provoque une inflation annuelle d’environ 1.8% par rapport au nombre de bitcoins déjà minés. A partir du prochain halving ce pourcentage, divisé par deux, passera sous la barre symbolique de 1% d’inflation, faisant de Bitcoin un actif plus “dur” que l’or.
Les choses deviennent encore plus intéressantes quand nous analysons l’impact des futurs halvings pour le Bitcoin. En divisant par deux les récompenses des nouveaux blocs tous les quatre ans, nous arriverons inévitablement au moment où la récompense de minage pour le dernier bloc sera de 1 satoshi (0.00000001 BTC), la dernière unité divisible d’un Bitcoin.
Cet événement impliquant la fin de l’émission d’un actif fini, unique dans l’histoire de l’Humanité, aura lieu en 2140. Deux questions se poseront alors, les frais de transactions seuls seront-ils suffisants pour permettre aux mineurs de continuer leur activité ?
Et surtout, quel sera le prix de 1 satoshi en 2140 ?