Le retour à l’Étalon-Or, une bonne idée ?
Actif physique et Centralisation : l’impossible Confiance
Comme évoqué dans un précédent article, la contrainte de la sécurité mène inévitablement à un nouveau problème (décidément), celui de la centralisation des réserves d’or. En effet, une banque dans laquelle est stocké l’or des particuliers peut plus facilement se faire saisir cet or si un gouvernement interdit à sa population d’en posséder. Comme ce fut le cas aux États-Unis, en 1933, avec l’Executive Order 6102. Outre le risque d’une confiscation politique de l’or, la banque elle-même peut présenter un risque. Le système bancaire de réserve fractionnaire, qui consiste à conserver un pourcentage des dépôts d’un client et prêter le reste à un autre client afin de générer des profits sur les intérêts de cet emprunt, est certainement le risque le plus significatif. Le stock d’or détenu en banque est alors en danger en cas de bank run des particuliers souhaitant récupérer, à juste titre, leur or qu’il ne possède tout simplement plus dans leur coffre. Ce problème peut être contourné en choisissant de préférence une banque non-commerciale conservant 100% des dépôts de ses clients, ayant en d’autres termes une “réserve complète”, mais cela ne résout pas le problème de la centralisation.
Le destin de l’or est donc d’être centralisé. On estime aujourd’hui les réserves mondiales à 190.000 tonnes. Les institutions et les banques centrales en détiennent environ 35.000 tonnes, soit moins de 20%. Beaucoup d’états détiennent leur or dans leur banque centrale ou dans d’autres pays. C’est le cas de l’Allemagne qui détenait une partie de ses réserves en France et aux États-Unis. Choix motivé par les risques et coûts liés au transfert de l’or acheté initialement dans ces pays lors de la Guerre Froide. Quand, malgré tout, le gouvernement allemand décida en 2012 de rapatrier son or détenu à l’étranger, il eut la mauvaise surprise de se voir refuser sa requête par la Réserve fédérale américaine (FED).
Beaucoup en sont venus à s’interroger sur l'utilisation de cet or par la FED et si celle-ci détenait encore réellement l'or qui lui a été confié par d'autres pays. La FED refuse en 2014 aux allemands que ses stocks soient vérifiés, il en sera de même pour toute demande d’experts indépendants ou même par les pays propriétaires d'or depuis. Si le retour de l’or allemand détenu en France se termine en 2017, le retour de l’or détenu par la FED n’a été que partiel, 300 tonnes sur les 1500 tonnes entreposées à New-York.
Cette mésaventure allemande est un bon exemple de la problématique liée à la centralisation de l’or, que l’on soit un particulier ou un état ayant stocké son or dans une banque commerciale ou dans une banque centrale : L'absence de preuve de réserve vérifiable à tout moment, rend toute confiance impossible.
C’est ce qui avait d’ailleurs en partie motivé l’Allemagne à rapatrier son or. En 2012, la demande d'informations sur les réserves était alors si forte dans le débat politique allemand que "certains se sont demandés si les réserves en Allemagne et à l'étranger étaient réelles" comme en témoigne plus tard Ludwig Thiele alors membre de la Direction de la Deutsche Bundesbank (Banque fédérale allemande). La même année aux Etats-Unis, Ron Paul, alors candidat à la présidentielle, demande à ce que les stocks aurifères de Fort Knox soient vérifiés. Sa requête est rejetée.
Dans le cas d’un retour de l’étalon-or impulsé par les BRICS, nous pouvons nous demander comment ces pays comptent surmonter ces problèmes et ne pas reproduire les erreurs commises par le passé, sous le précédent étalon-or. Qui détiendra l’or nécessaire pour adosser la nouvelle devise ? Comment les autres pays vérifieront-ils l’authenticité et la réalité des stocks détenus ? Les BRICS céderont-ils à la tentation d’émettre plus d’unités monétaires papier qu’il n’y a d’or en réserve ? Qu’en sera-t-il de la confiance des autres pays souhaitant commercer dans cette monnaie, après la fin désastreuse du précédent étalon-or ? Le retour à un étalon-or ne semble donc pas être une solution miracle aux problèmes actuels que traverse l’économie mondiale. L’intuition de vouloir revenir à une monnaie adossée à un bien tangible est certainement la bonne, l’application envisagée avec le retour de l’étalon-or, n’est pas la meilleure solution.
Dans un monde de plus en plus digitalisé, une alternative à l’or existe : Bitcoin. Celui-ci permet de corriger les défauts physiques de l’or (transportabilité, liquidité, sécurisation) et offre des solutions aux limites de l’étalon-or (saisie, preuve de réserve, confiance..). L’or est une relique comme disait Keynes, mais elle n’est pas barbare, elle est juste imparfaite.